J'ai eu tort et je me repens. J'ai voulu substituer à l'espadrille de toile qui habille depuis toujours en été mon pied d'une seconde peau, souple mais solide, une espadrille de cuir qui m'épargnerait, pensais-je – ô naïf ! –, le seul inconvénient de la première dont le tissu à force se distend et qu'alors je déchausse.
Et certes, sur ce point, j'avais vu juste : l'espadrille de cuir, toute couturée d'empiècements et de renforts, ne se distend pas. Mais alors pas du tout. Du tout du tout, ni le moins du monde. Et dedans mon pied suffoque, talon à vif, orteils tuméfiés, mieux orné d'ampoules irradiantes que la place de la mairie pour le bal du 14 juillet. Mais je ne risque pas danser. Chaque pas est une souffrance.
Chaque pas m'arrache un cri. Je me repens, je ne le ferai plus. Sitôt achevée la cicatrisation de mes plaies, je glisserai mon pied dans l'espadrille de toile souple et solide. Et, dès qu'elle commencera à se distendre, je saurai que je suis pardonné.