vendredi 20 juin 2025

5919

Sur le panneau d’accroche de ces deux racoleurs, il est écrit : COURS BIBLIQUE GRATUIT. Or j'ai honte de faire ici l’aveu de ma ladrerie, mais je dois pourtant avouer que le concept de gratuité touche toujours en moi une corde sensible et que j’aurais donc tout à fait pu me laisser séduire s’il ne s’était agi d’un cours biblique.

 

De même que la chaleureuse accolade mexicaine permet à l’un et à l’autre de vérifier que nul ne cache une arme, il est assez vraisemblable que les amants se déshabillent surtout pour s’assurer que les couteaux ne sont pas encore sortis des tiroirs.

 

Mais aurai-je assez d’amour-propre pour devenir un écrivain culte ?

jeudi 19 juin 2025

5918

Son succès auprès des femmes nuit considérablement à la qualité de sa poésie. Ses Lamentations sont particulièrement médiocres.

 

Les lacets de sa queue le prouvent, la souris a peur des souris. Elle essaie de se semer.

 

Mon souffle embue le miroir. Je me refais une beauté.

mercredi 18 juin 2025

5917

La vie bien comprise devrait permettre à chaque être de se réincarner chaque jour en la créature de son choix. Il n’est une existence animale dont je n’aimerais faire l’expérience et je crois que dès lors je ne rejoindrais plus très souvent la condition humaine.

 

Narcisse penché sur la rivière ne peut s’arracher à la contemplation du reflet vaseux de son âme.

 

Je voulais juste un baiser de ses lèvres si bien ourlées, mais la rose amoureuse ne m’a pas ménagé ses caresses.

 

mardi 17 juin 2025

5916

Le premier venu que je croise sait mieux que moi comment je m’inscris dans le décor, il enregistre ma présence mieux que je ne peux le faire en me tenant tout entier dans son regard. Si vous voulez savoir qui je suis, ne vous adressez pas à moi, demandez-lui.

 

Elle me sourit. Ou serait-ce sa lame qui a lui ?

 

Cadavres d’insectes dans le plafonnier. Inversement, la tapette à mouches maniée avec assez de poigne fait un parfait abat-jour.

lundi 16 juin 2025

5915

Abandonnant la Terre désolée, le troupeau s’ébranle pour la grande transhumance cosmique. On nous envoie paître sur Mars, planète aride et désertique sans oxygène où l’herbe est plus verte, paraît-il.

 

Toute sa douceur s’évapora, qui n’avait donc jamais été qu’un masque de buée sur son visage de glace.

 

Je sais que celles que j’ai perdues sont chez Franck, Laurent, Philippe et Hervé. Mais où sont les billes que j’ai gagnées ?

dimanche 15 juin 2025

5914

Et le ciel se couvrit de gros nuages noirs, c’est dire si ma tristesse était communicative.

 

Borges, 38e au classement ATP, et Jarry, 150e, ne se sont encore jamais affrontés sur le circuit. Nous serions pourtant fort curieux d’assister au match et prêts à payer nos places un bon prix.

 

Nos voix sont toutes différentes, notre pas aussi possède sa résonnance singulière. En somme, nous pourrions nous croire uniques si nous ne faisions tous exactement le même bruit de chasse d’eau.

 

samedi 14 juin 2025

5913

Songe bien avant de rompre que tu t’apprêtes à confier au passé – le passé clos, sans lumière ni oxygène, où elle va irrémédiablement pourrir et tomber en poussière – toute une part de ta vie.

 

Le rêve nomme aussi bien nos aventures oniriques que nos ambitions secrètes. Le mot assume sans malentendu les deux acceptions puisque rien de tout cela n’accède jamais à l’ordre du réel.

 

Nul tatouage. Je dois conserver blanche et nue toute la surface de ma peau au cas où le papier viendrait un jour à me manquer.

vendredi 13 juin 2025

5912

Souvent, je me satisferais d’être sans avoir à vivre, et de même rêverais-je d’écrire sans devoir écrire quelque chose.

 

L’échelle reste le chemin le plus direct pour grimper à l’arbre.

 

Et si nous remplacions les fusils automatiques par des cornemuses ou des binious ? La plupart des braqueurs et des terroristes ne sachant pas en jouer, nous n’aurions pas à déplorer tant de victimes.

jeudi 12 juin 2025

5911

Perrine, ma secrétaire, s’empresse de m’apporter mon café dès que j’arrive au bureau le matin. Je ne la paye que 2,20 euros par jour, alors, pour compléter ses revenus, elle est aussi serveuse dans le bar où j’ai mes habitudes.

 

Le poulpe est suprêmement intelligent. J’en veux d’ailleurs pour preuve qu’il laisse sommeiller son génie, trop conscient des funestes conséquences de la moindre invention ou conception sophistiquée.

 

Le Football Club de la Chapelle-Rousselin a battu 5-0 l’Association Sportive de Neuvy-en-Mauges. La nuit va être mortelle ! J’ai personnellement l’intention de vandaliser le Bazar de La Belle Fermière, de saccager la boîte aux lettres du Passage Bonsecours et de piller la mercerie des vieilles sœurs Bourigault.

mercredi 11 juin 2025

5910

Un homme peut-il accuser de sexisme une femme qui décline ses avances ? Peut-il envisager d’aller jusqu’au procès ? Et alors obtenir gain de cause ?

 

Armes de destruction massive, intelligence artificielle, inutiles progrès. Comme si la branche et la scie ne suffisaient pas !

 

J’adresse au dieu créateur un petit signe ironique en agitant la main griffue de mon gratte-dos télescopique. Cheh !


[Nous nous retrouvons donc ce soir à 20h à la Maison de la poésie pour la dernière étape de la saison du Marathon autofictif de Christophe Brault]

mardi 10 juin 2025

5909

Quand se présente une bonne occasion de mourir, c’est un tort sans doute de la laisser passer. Car alors il faudra se résoudre à disparaître dans de lamentables circonstances.

 

Ils n’avaient pas d’avenir ; aussi sont-ils restés blottis l’un contre l’autre dans le passé.

 

Il s’avéra que mon salut était performatif. Toute personne à qui je disais bonjour passait effectivement une excellente journée. Que faire d’un pareil pouvoir ?

lundi 9 juin 2025

5908

Sentant ma mort prochaine – une odeur épouvantable –, mes voisins de palier ont alerté les pompiers qui ont forcé ma porte, découvrant avec horreur mon futur cadavre assis dans un fauteuil avec un livre.

 

Battre les blancs en neige – pondre puis fondre.

 

Dans ce gros buisson de barbe blanche, brillent les paires d’yeux ardents d’une bonne dizaine de génies du XIXe siècle à l’affût des révolutions.

dimanche 8 juin 2025

5907

L’amour est une hantise épuisante et mortelle. Les deux protagonistes s’empressent donc de partager leur sentiment afin de le tuer à petit feu jour après jour et qu’enfin cesse ce douloureux tourment.

 

C’est en somme une fine ruse d’attendre Godot, qui ne viendra pas, plutôt que, par exemple, la fortune ou la gloire, dont l’arrivée fortuite est toujours possible et qui laissent ainsi ouverte une porte par où s’engouffrent la misère et le désespoir.

 

J’apprends le mot alliciant. J’ai aussitôt très envie d’en faire usage, or ça tombe bien, il se trouve que je suis un type extrêmement alliciant.

samedi 7 juin 2025

5906

Il a fallu creuser un trou et dignement inhumer le lérot. Puis j’ai indiqué l’endroit exact de cette sépulture en posant dessus un caillou blanc.

 

Est-ce à dire que je reviendrai m’y recueillir souvent, méditant sur le sort absurde du petit lérot, sur l’énigme de son cœur battant et de sa vie affairée, sur sa mort brutale et sans justification ?

 

Pas exactement, mais dans un an je planterai là un oignon de tulipe qui profitera de cette terre enrichie en nutriments et sels minéraux.

vendredi 6 juin 2025

5905

D’un autre côté, il n’a pas laissé de lettre d’adieu pour expliquer son geste. Notre petit lérot aurait-il été sujet à un raptus anxieux, le passage à l’acte s’accomplissant dans l’instant, sans préméditation, sans réflexion, comme la seule issue possible – le suicide comme unique solution viable ?

 

C’est que nous ignorons tout de la condition de lérot, obnubilés que nous sommes par nos propres névroses et autres chagrins d’amour. La mort du lérot (ou était-ce une léroïne ?) nous révèle qu’elle peut être bien rude aussi et très ingrate. Et d’abord, tout le monde te prend pour un rat.

 

Et pourtant ta queue est gainée de fourrure et tes oreilles sont rondes, en cela tu es plus semblable à un tigre. Il est si difficile d’être apprécié à sa juste valeur. Puis on se lasse de faire du raffut dans les charpentes. Que voulez-vous ? Ça dure trop. Le programme manque de variété. Tout finit par nous dégoûter, même l’œuf du roitelet et même son oisillon.

jeudi 5 juin 2025

5904

Il gisait là, sans vie, recroquevillé, déjà raide. L’examen du corps ne révéla aucune blessure. Et ce n’était peut-être qu’un lérot, découvert ce matin dans l’herbe, devant l’abri de jardin, mais j’aurais bien aimé connaître le fin mot de cette histoire. Car enfin, nous avions là une mort inexpliquée et un cadavre sur les bras.

 

L’hypothèse de l’empoisonnement semblait exclue, la mort-aux-rats ne compte pas parmi les céréales que nous stockons dans l’abri. Un chat aurait laissé sur le petit corps la trace sanglante de sa griffe. Fallait-il alors classer le dossier et conclure à une mort naturelle ? Il paraissait pourtant bien jeune encore, ce lérot.

 

Sinon quoi ? Un règlement de comptes ? Mais pourquoi et qui serait impliqué dans cette vengeance ? Comment en vouloir à un lérot ? Comment lui en vouloir au point de le tuer ? Quelle mafia donnerait un tel ordre à ses sbires ? Un accident, peut-être ? Une chute ? Le lérot est agile et l’herbe épaisse sous l’abri. Je ne vois plus que le suicide. Pourquoi le lérot ne serait-il pas sujet aux angoisses de la déréliction ? Alors il se sera simplement arrêté de respirer.

mercredi 4 juin 2025

5903

Tiens ! il y avait longtemps que je ne l’avais pas vu, celui-là, l’enrhumé. En régime ordinaire, je deviens ce personnage trois ou quatre fois par an, mais, à la faveur de sa réapparition, je m’avise qu’il me négligeait depuis de longs mois, en mission dans le grand Nord, sans doute. Il en est revenu, tout morveux et larmoyant, gonflé à bloc, et, vautré dans mon canapé, lampe depuis ce matin mes collutoires et mes sirops.

 

jamais tant ne zigzagua

que dans la dernière ligne droite

– arthrose de la hanche et calva

 

Vous avez tout de même bien compris, j’espère, qu’il n’est d’autre boa que l’autruche ayant achevé sa digestion ?

mardi 3 juin 2025

5902

J’apprends que l’on appelle pli d’ampleur la fronce au dos de certaines chemises qui permet à l’envergure ou à la corpulence de se déployer plus à l’aise dans le vêtement. Voilà une belle invention que j’aimerais trouver aussi dans l’espace alentour où si souvent je suffoque.

 

(Fou authentique fait encore de sa camisole une turbulette.)

 

Une seule goutte d’encre ajoutée à la semence des pères et nos vies seraient plus romanesques.

lundi 2 juin 2025

5901

Aujourd’hui, l’homme est invité à contenir son désir, souvent dévastateur, et à brider sa virilité, ridiculement arrogante. Malgré quoi, jamais l’expression « avoir des couilles » n’a été autant en usage. Les lèvres les mieux ourlées non plus ne répugnent pas à former ce rictus. Il a des couilles. Tu n’as pas de couilles. Et il demeure recommandé d’en posséder une bonne paire. Comme si pourtant la libido, en cette occurrence aussi, n’était pas encore à la gouverne. Injonctions contradictoires face auxquelles l’homme délicat hésitera entre la démission et la défaillance.

 

Comment savoir si le feu regrette ou se réjouit d’avoir fait la rencontre du bois ?

 

Un petit insecte de moi inconnu se pose sur ma main. Je n’ai pas l’impression qu’il appartienne au genre suceur. Plutôt butineur. Mais alors il s’est fourvoyé et son miel aura goût de sang.

dimanche 1 juin 2025

5900

L’arrosoir est une belle invention, mais qui exigeait, m’a-t-il semblé, quelques perfectionnements. C’est ainsi que j’ai percé avec plus de précision les trous de sa pomme de manière à ce que l’eau en s’écoulant atteigne exactement les espaces de ma pelouse ou de mon potager passés entre les gouttes de l’averse.

 

Sa joie de vivre est communicative, je bâille.

 

Il me semble que l’industrie de l’armement, l’industrie automobile et même l’industrie agroalimentaire œuvrent déjà très généreusement en faveur de l’aide à mourir.

samedi 31 mai 2025

5899

Un jour arrive inévitablement où l’écrivain retourne sa gomme contre lui.

 

Énigme du galet. Jamais on ne surprend parmi les autres une pierre encore mal dégrossie, en cours de façonnage. Le galet est tout de suite là, dans sa forme parfaite, tout lisse, sans arête ni aspérité. La conclusion s’impose : la mer ne le polit pas ; elle le pond.

 

Mort blanche. Bien pénible. Je voudrais reposer en paix, mais je ressuscite tout le temps.

vendredi 30 mai 2025

5898

Partisan du moindre effort, je n’ai jamais cueilli les fruits du zèle et l’ardeur. Au moins le paresseux n’a-t-il pas à se fatiguer pour rejoindre l’état d’Indolence qui est le nom de tous les pays conquis.

 

Aurait-on idée de se coiffer d’un nid ? Nous n’entrons pas comme il faudrait dans la casquette.

 

Entre toutes les choses et les créatures qui peuplent cette Terre, je n’aime plus que les coquelicots. Courte est la saison de mes amours. Au moins est-elle toujours ponctuellement revenue, jusqu’à aujourd’hui.

jeudi 29 mai 2025

5897

Je réfléchis, le coude sur la table, la tête dans la main. Elle pèse. Il serait pourtant tellement plus aisé de la tenir au bout de mon bras ballant, par les orbites. Cela ne devrait même pas nuire à ma réflexion.

 

Tu pensais que la ceinture avait pour fonction de retenir ton pantalon sur tes hanches ; un jour, tu t’avises qu’elle est là pour t’attacher dedans et t’empêcher de rejoindre nu la forêt primitive de l’Eden en quelques bonds.

 

Je suis arrivé face à lui, le couteau entre les dents – que je laissai bientôt tomber, pourtant. M’empêchait de mordre.

mercredi 28 mai 2025

5896

Le suicide me parut d’abord le châtiment logique pour me punir de mes fautes et de mes échecs. Puis la peine me sembla encore trop clémente et je me condamnai à vivre à perpétuité.

 

Le temps démode les blessures.

 

Ça alors ! Mes filles ne savent pas qui était François Périer !

mardi 27 mai 2025

5895

J’avais par négligence laissé mourir les fleurs, on ne m’y reprendrait pas. J’arrose généreusement cette fois, et c’est le feu qui meurt.

 

L’alcoolisme est un mouvement littéraire qui irrigue secrètement tous les autres.

 

Son nez retroussé découvre haut ses cuisses.

 

lundi 26 mai 2025

5894

J’ai violemment percuté son camion. Toujours ces foutus angles morts quand on écrit. Il a été tué sur le coup.

 

À Dijon, le bus n°8 te dépose indifféremment au Parc des sports ou aux Urgences CHU. Quant à Piscine olympique, c’est le nom de la station de tramway qui dessert aussi le crématorium. C’est toi qui décide. Les passagers ont à leur disposition un bouton pour demander l’arrêt de leur choix.

 

Patience du pêcheur. Son asticot dont ne veut pas la carpe lui fera une mouche pour la truite.

 

[Dernière étape de la saison pour le Marathon autofictif de Christophe Brault, mercredi 11 juin à 20 h à la Maison de la poésie. Vous y serez, n’est-ce pas ? Réservation recommandée.]

dimanche 25 mai 2025

5893

Tous ces procès étaient instruits à ton insu depuis des années. Verdicts et sentences sont tombés dans la nuit. Au petit matin, comme tu t’étires dans ton lit, souriant au bon soleil qui frappe à ton carreau, quatre juges entrent dans ta chambre pour te signifier que tu es quitté, viré, déchu et que les métastases touchent tous tes organes.

 

Qu’est devenu Fabrice del Dongo depuis ma lecture bien ancienne de La Chartreuse de Parme ?

 

Tu es bien cruelle d’être si belle.

samedi 24 mai 2025

5892

Je poussais des petits cris pointus, je m’accrochais à la mamelle de ma mère. Imaginez donc ma confusion lorsque j’appris que notre espèce avait évolué et s’était différenciée du singe.

 

Le ciel est bas, et le cul des anges tout embrené.

 

Crâne nu et rose entre les mèches à trois tifs. Désormais, quand le vent me décoiffe, il me déshabille.

vendredi 23 mai 2025

5891

Poches sous les yeux gonflées à en péter leurs coutures (derrière les oreilles) de souvenirs et d’images de lieux, de visages, de lectures. Plus de place pour les beautés nouvelles, ou alors il va falloir se résoudre à les stocker dans le goitre.

 

Pourquoi faudrait-il mourir avant de se réincarner ? Je devrais pouvoir dès aujourd’hui imposer à mes os la contorsion nécessaire pour faire une belle antilope ou un très acceptable crapaud.

 

Et merci au chamois zélé qui fait les poussières du Mont Blanc.

jeudi 22 mai 2025

5890

C’est un tort de vouloir tout arranger. Il serait dommage, par exemple, que la pommette vienne combler la fossette.

 

J’avais dans l’idée de créer un caractère dans le genre d’Oblomov et de Bartleby, une nouvelle incarnation littéraire de la force d’inertie. Mais mon personnage a refusé d’apparaître, mes mots glissaient sur lui sans parvenir à l’agripper, mes phrases en vain le convoquaient, si bien que j’ai fini par jeter au panier cet alphabet de lettres mortes.                 

 

Le vent qu’elle produit en l'agitant fait soudain voler son éventail, découvrant son visage nu. Imaginez mon trouble.

mercredi 21 mai 2025

5889

Aussi ai-je raté mon omelette, j’ai marqué contre mon camp, la mèche de ma perceuse a traversé la cloison, mon rosier a crevé, et tout être vivant qui m’approche pareillement s’étiole, mortellement contaminé par mon ennui, tel perd ses plumes, telle son sourire. Mais aussi, comment attendre de moi autre chose que des phrases ?

 

Le pulpeux baiser actionne les mâchoires du piège.

 

Est-ce que quelque chose aurait changé dans son offre ? Je les repoussais depuis toujours avec effroi, avec horreur, pourquoi est-ce que les sollicitations de la mort me semblent de plus en plus dignes au moins d’être étudiées et mises en concurrence avec celles qui me viennent de la vie ?

 

mardi 20 mai 2025

5888

Relégué sur le banc de touche, que fera-t-il d’autre qu’écrire ? Puis, suite à une méprise sans doute, il est appelé à rejoindre le jeu. Enfin ! Et comme alors il se démène ! Tant de bonne volonté, de combattivité, de hargne même. À se demander s’il ne recherche pas le carton rouge qui le renverra sur son banc.

 

Ni Oblomov ni Bartleby ne viendront à ma fête. Ce qui fait bien mon affaire car ils étaient mes seuls invités et, dès lors, il n’y aura personne.

 

La gentille cerise aussi sait se rendre inaccessible.

lundi 19 mai 2025

5887

Quelques jours seulement après que l’on m’a barré l’accès à la fonction de pape qui devait me revenir, je suis contre toute attente privé de la victoire au concours de l’Eurovision ! Or, en dépit de ces preuves objectives et accablantes, vous verrez qu’il s’en trouvera encore pour récuser l’existence d’un complot acharné à me nuire !

 

Rien ne t’arrive, ça passe.

 

Je ne veux ni les tripes de moutons à la crème d’époisses et au romarin, ni la betterave crue nappée de caramel, ni la salade de scolopendres et de lentilles d’eau. Que faire de notre volonté quand l’offre est si peu ragoûtante ?

 

dimanche 18 mai 2025

5886

Certes, si mon personnage avait trouvé sur sa table de travail, plutôt que ce hérisson naïf et globuleux, un pamplemousse, mon livre aurait été bien différent. Où en serais-je moi-même aujourd’hui ? Je me ronge. Ai-je fait le bon choix ?

 

Vivre en harmonie avec la nature, bel idéal qui t’obligera cependant quotidiennement à fondre sur un mulot.

 

Bartleby n’est pas tenu de rendre à Oblomov l’invitation à dîner qu’il n’a jamais reçue de lui. C’est à cela que l’on reconnaît les vrais amis.

samedi 17 mai 2025

5885

Distribués initialement dans les rôles de Bouvard et Pécuchet, Oblomov et Bartleby sont encore assis à l’heure où je vous parle sur le banc du boulevard Bourdon où ils se sont rencontrés.

 

Ne demande pas à ta barbe de cacher les estafilades que tu te fais en te rasant.

 

Ils se sont aimés avec une grande intensité de douleur. Encore une magnifique histoire.

vendredi 16 mai 2025

5884

Tant de langues mourantes – le yoron, le wagiman, le nluu, le chamicuro, le ket… –, dans lesquelles il me paraît donc urgent de traduire mes livres, avant qu’il ne soit trop tard.

 

La flèche t’indique le chemin que tu dois suivre pour la recevoir en plein cœur.

 

Restauration mexicaine maison… Hm… à Dijon ?

jeudi 15 mai 2025

5883

Bientôt, les écrivains ayant déjà une œuvre pourront demander à une IA d’écrire un livre à leur manière en lui confiant juste deux ou trois éléments d’intrigue. Nous allons disposer de beaucoup plus de temps pour boire. À moins qu’un autre robot plus malin encore ne se propose pour rincer nos bouteilles.

 

Puis Dieu siffla la fin de la récréation et confisqua le ballon.

 

Mais est-ce à dire que tout écrivain non scatologique est un auteur constipé ?

mercredi 14 mai 2025

5882

Nouée sur son venin éventé, l’exuvie rosâtre de l’aspic auquel on a écrasé la tête. Tristesse de la capote. Mes beaux amants, tant d’ardeur pour produire ce déchet !

 

Passer à la postérité amortit juste un peu la chute de celui qui tombe dans l’oubli comme les autres.

 

Drone, traceur GPS, fusil à longue portée, il est tout de même navrant de voir les belles inventions de la jalousie détournées à des fins militaires.

mardi 13 mai 2025

5881

Je possède des griffes rétractiles bien utiles pour me lacérer cœur et entrailles.

 

Mon enthousiasme est intact, ayant fort peu servi.

 

Incinération, svp. Après, promis, je vous laisse tranquilles.

lundi 12 mai 2025

5880

J’attends pour sombrer dans l’alcool d’avoir atteint les hauts fonds.

 

C’est le moins fanfaron de la fanfare. Il lui arrive de boucher sa trompette.

 

C’est aussi que si notre âme ne devenait pas noire, on ne la verrait pas.

dimanche 11 mai 2025

5879

Cette amie est tout à fait charmante, mais elle choisit pour compagnons des personnages compliqués, rébarbatifs au premier abord, qu’il me faut à peu près trois ans pour connaître, comprendre et finalement apprécier, et c’est alors qu’elle les plaque. Puis me présente donc le successeur, un individu vraiment bizarre et pour le moins abrupt.

 

je me gèle au fond de ce fjord

mais je suis vengé dit le lord

voyant cingler vers les récifs

le rimailleur sur son esquif

 

Le passage du temps adoucit certains visages, en durcit d’autres. Mais est-ce la vérité de l’être qui affleure alors ou seulement celle de son métabolisme ?

samedi 10 mai 2025

5878

Je me détourne et passe derrière elle pour ne pas entrer dans le décor de la photo qu’elle est en train de prendre. Mais c’était un selfie et je suis dessus.

 

Les pieds devant par la porte ou tête la première par la fenêtre. Au choix.

 

D’une main, j’écris mon livre ; de l’autre, je creuse le trou ou la tombe où il faudra bien l’ensevelir au terme de sa courte et misérable vie à venir. Je suis assez content du travail. Ça avance bien, enfin le trou plus vite que le livre.

vendredi 9 mai 2025

5877

Pourquoi le tremblement de terre ne relève-t-il jamais la ruine ni l’accident jamais ne redresse le bossu ?

 

C’est pourtant celui qui ne daigne pas répondre qui a le dernier mot.

 

Si tu ne peux arriver la première, vise plutôt la troisième place, car c’est à la deuxième hirondelle qu’échoit la lourde tâche de faire le printemps.

 

jeudi 8 mai 2025

5876

Certes, je ne voudrais pourtant pas de bâillon pour ces écrivains épouvantablement médiocres et débilitants que j’évoque quelquefois ici. Je ne suis pas un tel censeur. Une camisole devrait suffire.

 

Je suis créationniste. Mais oui. Je pense vraiment que, quand il est apparu sur la Terre, l’homme était déjà cette ignoble larve.

 

Quel plaisir et quel bonheur de lire une langue aussi fluide, sans erreur et qui soutient l’argumentation ! Enfin un critique qui salue mon travail avec les mots choisis que j’attendais depuis trente ans ! Et puis j’y regarde de plus près et je grimace un peu : c’est le professeur de français d’Agathe qui commente en ces termes sa dissertation sur La Bruyère…

mercredi 7 mai 2025

5875

Je pensais que mon œuvre peut-être me vaudrait cette faveur. Mais c’est à l’une de mes inventions que je dois aujourd’hui d’être considéré comme un bienfaiteur de l’humanité. L’escalier plat, il suffisait pourtant d’y penser.

 

La meilleure crème de beauté te donne un joli teint et rend tes copines vertes.

 

La circonférence du coquetier étant inférieure à celle de l’œuf, comment voulez-vous jouer au basket ?! Il y a de ces absurdités.

mardi 6 mai 2025

5874

Boa déjeunant d’un phacochère fit une fausse route en l’avalant, et en creva.

 

Tant de mauvaises rencontres. Et tant de belles aussi qu’il aurait mieux valu éviter.

 

Et pourtant, il est impossible de se défenestrer par une meurtrière.

 

lundi 5 mai 2025

5873

Et par exemple, avant de pénétrer dans une voiture, puis de la quitter, le contrôleur de train japonais s’immobilise, bras le long du corps, et s’incline légèrement, même si tous les passagers lui tournent le dos.

 

Après deux semaines de séjour à Tokyo et Kyoto, séduit par la civilité et l’équanimité de leurs habitants, j’ai fait miennes leurs mœurs policées et je me propose dès ce matin de répandre ce doux personnage dans ma ville. Si ce n’est que la dame pour qui je retiens la porte de la boulangerie ne me remercie pas et que je me vois forcé en conséquence de la traiter de radasse à lunettes. Si ce n’est que je refuse sèchement le café froid que pose devant moi un garçon revêche et mal coiffé, qui s’en offusque et que nous en venons presque aux mains. Si ce n’est qu’en sortant du bar, constatant que le temps est en train de tourner, il me paraît prudent de dérober un parapluie parmi les parapluies du porte-parapluie.

 

Quelques heures m’auront suffi pour redevenir un sauvage parmi les sauvages.

dimanche 4 mai 2025

5872

j’ouvre les yeux

mais hier

il y avait le Fuji

 

j’ouvre les yeux

mystère

où est le Fuji

 

j’ouvre les yeux

misère

plus de Fuji

samedi 3 mai 2025

5871

Parfois cependant tu te fourvoies. Tu crois monter dans le bus 59 qui te mènerait à la bambouseraie. Mais tu es monté dans le bus 8 et tu ne t’en avises que lorsqu’il arrive à son terminus, Taganoo, où l’on te prie de descendre.

 

Or Taganoo ne mérite pas le détour. On s’ennuie ferme à Taganoo, et longtemps. C’est néanmoins une destination que je recommanderai chaudement désormais à toutes mes connaissances en partance pour le Japon. Il n’y a aucune raison que la mésaventure aussi ne soit pas partagée.

 

Tu vas au Japon, mon ami ? Ne t’embête pas avec Tokyo. File droit à Taganoo. Il y a une bambouseraie fabuleuse.

vendredi 2 mai 2025

5870

Trois cents visiteurs devant le Pavillon d’or, chacun cherchant un espace pour le selfie qui lui permettra de (se) faire accroire qu’il était là tout seul. Allons, ce sera plus facile ce soir de ne partager ton ramen avec personne, et merci de garder aussi sa photo pour toi.

 

Aucune mesure jamais, ces Italiens ! Giappone pour nommer le Japon !

 

Longue errance dans Kamakura avant de trouver enfin son Bouddha, haut pourtant de 11 mètres, sur les lèvres duquel il m’a semblé voir flotter un sourire.

jeudi 1 mai 2025

5869

C'est à Kyoto comme à Tokyo : pas une poubelle dans les rues. Chacun stocke et traite son déchet. Je finis la journée avec douze gobelets de carton empilés à la main, baguettes et brochettes par dizaines plantées dans mon chignon.

 

Toute la famille réveillée en sursaut dans le ryokan. J'ai laissé tomber ma gomme.

 

Il n’empêche que notre lave-linge est mort juste avant le départ et que toute la sérénité que je puise au jardin zen de Ryoanji sera ruinée dès mon retour, quand nos malles se cogneront à la machine hors d’usage.

mercredi 30 avril 2025

5868

j’ouvre les yeux

oh

le mont Fuji

 

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le mont Fuji

 

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le mont Fuji

mardi 29 avril 2025

5867

Or c’est un volcan. Mais lave, pierres, cendres ? Non, le Fuji en éruption crache des haïkus et des estampes. Mais alors, tous aux abris !

 

Il ne lui suffit pas de sa sirène hurlante. Le camion des pompiers lancé à travers les rues de Tokyo émet aussi en continu des vociférations terribles appelant, je suppose, piétons et automobilistes à garer leurs fesses. L’homme est décidément bien dans la peine pour n’attendre de secours que de cet effrayant bolide.

 

Fuji ignifugé ne craint que la cuisante brûlure de la neige.

lundi 28 avril 2025

5866

Matin et soir, le métro de Tokyo ouvre des voitures réservées aux femmes, ce qui est sage sans doute, même s’il m'est assez difficile d’imaginer ces hommes que j’observe dans la rame, parfaitement indifférents aux jupettes environnantes (lesquelles je remarque moi-même d’un œil éteint pour les besoins de ce reportage), toutes leurs terminaisons nerveuses connectées aux portables, se transformant en frotteurs compulsifs aux heures de pointe.

 

Takeshita-dori, pour seulement 2000 yens, dans des cafés dédiés à ces papouilles, il est possible de prendre sur ses genoux et de câliner pendant 25 minutes un porcelet, un hérisson, un furet ou même une loutre… Que leurs puces les vengent !

 

Le Français croit que le savoir-vivre lui commande d’adopter ici l’exquise courbette. Convaincu dès lors que notre salut est un coup de tête, le Japonais en tâtant sa bosse réserve ses billets pour Paris.