vendredi 28 février 2025

5807

Je ne suis pas de ces pères indignes et castrateurs façon Dumas, Bernanos, Mauriac ou Mann qui n’ont pas craint, en prenant une telle importance, de condamner leurs fils à s’étioler dans leur ombre intimidante. S’il prend à mes filles comme à ces malheureux le désir d’écrire à leur tour, elles ne pourront que louer la discrétion que j’ai su conserver par amour pour elles au prix de bien des efforts

 

Le loup dans la bergerie, le renard dans le poulailler, l’ours dans le rucher, le merle dans le cerisier, le ver dans la pomme, on aura reconnu l’homme sous différents déguisements.

 

Le vélo pliable est ainsi plus facile à transporter sous le bras ou sur l’épaule lorsque l’on se rend d’un endroit à un autre. Astucieux.

jeudi 27 février 2025

5806

La fourmi sait quelle est sa mission. Jamais n’hésite ni ne doute. J’envie son assurance, sa résolution. Je me dis alors que celles-ci deviendraient miennes si je partageais ses objectifs.

 

Je commence donc à charrier sur mon dos des graines, des brindilles, des insectes morts. Je creuse des galeries, j’ouvre des pistes qui mènent au miel ou à la charogne, sans parvenir pourtant à me départir du sentiment que toutes ces activités sont absurdes et vaines et ne justifient pas une vie.

 

Mon scepticisme revient en force. Plus grave, il contamine mes nouvelles congénères. Leurs colonnes laborieuses se défont. Par ma faute, ces innombrables petits êtres, démobilisés, démoralisés, se demandent à présent eux aussi à quoi employer leurs jours. Oh, comme je suis confus !

mercredi 26 février 2025

5805

au soleil pèlent ses roses

comme à ses orteils les mycoses

il bat de l’aile, Machinchose

 

sa bouche ne chante ni ne cause

de sa main ni dessin ni prose

il ne va pas fort, Machinchose

 

paupières d’abord puis bière closes

son cœur vaillamment se nécrose

c’en est fini de Machinchose

 

mardi 25 février 2025

5804

Le homard peut vivre jusqu’à 150 ans. Une telle longévité multipliant bien sûr les risques de mourir prématurément, il est bien rare qu’il dépasse les 40 ans.

 

Entre chien et loup, tous les chats seront gris.

 

Quelle idée aussi de semer ton maïs dans les plates-bandes du sanglier ?!

  

[Amis de Toscane, je suis invité par le salon du livre de Florence, Testo, pour une rencontre autour de la publication de Palafox aux éditions Prehistorica, le dimanche 2 mars. Livre paru en 1990, car je suis un écrivain français vieillissant mais un jeune écrivain italien assez séduisant même, avec un faux air de Marcello Mastroianni dans La dolce vita. Toutes les informations ici.]

 

lundi 24 février 2025

5803

Je le dis sans façons, la générosité est l’une de mes qualités principales. Je partage volontiers mes angoisses, mes peurs, mes inquiétudes. Servez-vous ! Je ne suis pas du genre à tout garder pour moi.

 

Encore une bergère décapitée par un loup solitaire.

 

Yves n’a plus de perspective, Roger n’a plus de projet, Florence n’a plus d’espérance, Casimir n’a plus de désir, Marion n’a plus d’ambition, la déprime est générale depuis que plus rien ne rime à rien.

dimanche 23 février 2025

5802

le pain rassit dans sa huche

l’eau croupit dans sa cruche

il nous inquiète, Trucmuche

 

le feu s’abolit sous sa bûche

la plume ternit sur sa perruche

il dépérit, Trucmuche

 

le miel moisit dans sa ruche

l’œuf pourrit sous son autruche

il est mort, Trucmuche

samedi 22 février 2025

5801

… puis on la retrouve.

 

Comme tous les sceptiques, je vis au second degré. Mais je n’ai pas encore connu la guerre et la maladie qui devraient me redonner foi en l’existence.

 

Si les petits ruisseaux font les grandes rivières, il doit se former quelque part un fleuve de fourmis qui enfle, qui enfle, et ne déferlera pas sans causer de grands dégâts.

vendredi 21 février 2025

5800

On perd la trace du kangourou, puis on la retrouve, puis on la reperd, puis on la retrouve, puis on la reperd, puis on la retrouve…

 

… puis on la reperd, puis on la retrouve, puis on la reperd, puis on la retrouve, puis on la reperd…

 

… puis on la retrouve, puis on la reperd, puis on la retrouve, puis on la reperd…

jeudi 20 février 2025

5799

Je retourne dans ce café où, voici dix ou quinze ans, j’avais mes habitudes. Je croyais avoir tout oublié. Mais je suis entré, je me suis assis sur la banquette devant un guéridon et j’ai commandé un allongé. C’est fou comme ça revient vite.

 

La liseuse numérique est au livre ce que le drone est au faucon.

 

Le visage invite au songe et le corps à l’orgie. Par chance, assonances et allitérations donnent tout de même un peu de liant à cette écartelante vérité.

mercredi 19 février 2025

5798

J’ai pour homonyme un obscur fabricant de montres, siglées donc à notre nom. Cet horloger me semble manquer de sagacité pour percer dans son domaine. Il eût été plus inspiré de s’appeler Marcel Proust. Cela dit, moi aussi.

 

La vie de la mouche est brève et pourtant elle n’est jamais tuée par le buffle qu’elle embête. Encore un mystère bien opaque.

 

Illusion commune de l’écrivain qui s’imagine donc qu’au terme d’une existence ingrate entièrement dédiée à sa tâche, il vivra dans son œuvre comme un coq en pâte.

 

mardi 18 février 2025

5797

Agrandis un peu la chatière et le bélier pourra entrer sans défoncer ta porte.

 

J’ai 60 ans de plus que ce joli bébé. Il est amusant de penser que, lorsqu’il aura mon âge, je ne serai plus très loin d’égaler puis de pulvériser le record de longévité de Jeanne Calment.

 

Tu as beau tourner la page, ça reste du Eric-Emmanuel Schmitt.

 

lundi 17 février 2025

5796

Sache que les fleurs coupées que tu offres à ton aimée sont saturées de pesticides et que donc, quand elle hume leur parfum en battant des cils, elle s’empoisonne. Mais tu le savais déjà peut-être.

 

Pur artiste, je suis un piètre bricoleur. Mais je joue plutôt bien de l’accordéon avec ma boîte à outils.

 

Toutes ces vieilles religieuses furent les épouses du Christ. Situation matrimoniale qui parut longtemps insolite. Moins maintenant qu’elles sont des veuves comme les autres.

dimanche 16 février 2025

5795

Que de voluptés en perspective ! J’ai matché sur l’appli Pinder avec une éléphante !

 

L’abat-jour tire le marron du feu.

 

C’est ça, l’ennui. Son exquise sensibilité et sa farouche susceptibilité se partagent la même muqueuse.

samedi 15 février 2025

5794

La mort par noyade est certainement des plus pénibles. En revanche, plutôt que pourrir sous la terre ou brûler dans le feu, je trouverai plaisante la perspective de joncher de mes ossements le fond de l’océan, sur un lit de sable, nettoyé par les crustacés, cage thoracique colonisée par le poisson-clown, fémurs fleuris d’anémones et de laminaires, crâne émaillé de corail… Voilà, vous disposez de mes dernières volontés.

 

De la brebis égarée, on ne mangera pas les côtelettes.

 

Troisième averse. Les hallebardes commencent à rouiller.

 

vendredi 14 février 2025

5793

Je noue comme un ruban le lacet de ma chaussure, me réservant chaque matin pour le soir une jolie surprise.

 

L’ours rouge de l’Arctique est en voie de disparition. Plus rien à saigner sur la banquise.

 

Notre être se fond dans l’espace pour disparaître comme Dieu seul le sait. Il sera aussi concave ou convexe qu’il le faudra pour épouser les contours de ses reliefs et pulvérulent même si la situation l’exige. Nous sommes tous – quoique chacun à sa façon – des caméléons.

jeudi 13 février 2025

5792

On s’en étonne quelquefois : je ris volontiers à mes propres blagues. Tout de même que je crie quand je me cogne.

 

Ce n’est pas parce que tu es quadrumane que tu peux te passer d’une queue préhensile, foi de sapajou.

 

Mais donc, si décidément nos gouvernements se refusent à légaliser l’euthanasie, qu’ils substituent au moins à celle-ci une perpétuité véritablement incompressible.

mercredi 12 février 2025

5791

D’une main, épand le grain et, de l’autre, la cendre, mais, avec le même moignon, ensemence et compisse.

 

Le zèbre arrive ex æquo.

 

L’agression, l’impuissance, la honte, la contagion, le fiasco, la frustration, l’humiliation font donc aussi partie de la vie sexuelle qui semble décidément vouloir régner seule sur la Terre.

mardi 11 février 2025

5790

Pour naître d’une balle de ping-pong, il ne sert à rien de donner des petits coups de bec à l’intérieur, non, il faut marcher dessus.

 

La planète est en danger et, si l’on ne fait rien, on pourrait même assister au cours des prochaines décennies à ma disparition.

 

L’arc-en-ciel est un pont parfaitement praticable entre les couleurs.

lundi 10 février 2025

5789

quatre lettres sciées

osier en fleur

E.R.I.C.

 

Je fais sécher mes fleurs du mal entre les pages du volume, je sample mes chants de Maldoror, je sangle la nuit à mon lit pour éviter qu’elle ne remue, je renonce à presque toutes les choses de mon parti-pris, je noie la fureur dans le mystère, à moins de trois mois de mon séjour au Japon.

 

quel malaise

vite j’estompe mes estampes

dijonnaises

 

[Rendez-vous ce soir à 20 à la Maison de la poésie pour le Marathon autofictif de Christophe Brault.]

dimanche 9 février 2025

5788

Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs… J’ai parfois le sentiment en effet qu’ils peuvent souffrir encore de ce brutal arrachement à la vie, leur souffle coupé d’un coup, le choc violent du corps qui s’affaisse. Hormis les suicidés, pourtant, heureux dans leur refuge, dans leur campagne, tranquilles dans la cabane bâtie de leurs propres mains à l’écart des tumultes et des tourments.

 

Tout ce que j’ai à dire tient dans le comment dire.

 

C’est parce que l’homme l’attrape par les ouïes qu’il croit la carpe muette.

samedi 8 février 2025

5787

quel

laïus 

ce

haïku

 

Je pèse mes mots, je coupe court, je brise net, j’avale ma langue, à moins de trois mois de mon séjour au Japon.

 

à tant rire

j’en pleure

puis j’en meurs

vendredi 7 février 2025

5786

J’écris au café, dans le brouhaha des conversations, raison pour laquelle sans doute j’ai un peu de mal à me faire entendre.

 

Nos dents de végétariens carnivores trouvent encore un os dans la pomme – le trognon, qui sera lancé au chien.

 

L’évolution tarde tout de même à changer la queue des vaches en tapette à mouches, vous ne trouvez pas ?

jeudi 6 février 2025

5785

kimono

mais futon

ou tatami

 

À moins de trois mois de mon séjour au Japon, je concentre mes Méditations, je lyophilise mes Lamentations, je n’écris mes Contemplations que d’un œil et mes Illuminations de l’autre.

 

une brique

un karatéka

trois haïkus

mercredi 5 février 2025

5784

Le pou du panda n’a le droit de reculer que pour prendre.

 

Je suis aussi un écrivain fantôme. Chaque jour me viennent des phrases ou des idées (même chose) que je néglige de noter, pensant les retenir et que j’oublie pourtant. J’ai déjà évoqué la trace cuisante qui en reste dans ma conscience, cette impression d’un cerveau lésé. La perte est irrémédiable, mais mon dépit peu glorieux ressemble à celui de l’affairiste cupide qui a raté une bonne occasion de s’enrichir. Je préfère maintenant me dire que je donne de la lecture aux esprits des morts. Autofictif dissout dans l’éther.

 

Promenons-nous sans crainte dans le marais, il y a toujours une libellule pour hélitreuiller ceux qui s’enlisent.

mardi 4 février 2025

5783

saisit

avec ses baguettes

un haïku

 

À moins de trois mois de mon séjour au Japon, déjà je comprime mes alexandrins, je compacte mes stances.

 

marche

dans son jardin zen

sur le râteau

lundi 3 février 2025

5782

Une meringue ! Une meringue en lieu et place de l’amande chocolatée qui accompagne depuis toujours mon allongé dans le café où j’ai mes habitudes ! Où j’avais mes habitudes, devrais-je dire, car l’amande chocolatée en était une, et une solide.

 

Je m’en trouve fort contrit et mécontent alors même que je pourrais me réjouir, car je préfère – et de loin – les meringues aux amandes chocolatées. Au vrai, je n’aime pas beaucoup les amandes chocolatées, tandis que je raffole des meringues.

 

Mais il faut croire que nous tenons aussi, et au moins autant qu’aux bonnes, à nos mauvaises habitudes.

dimanche 2 février 2025

5781

La maladie, la misère, le deuil, le désespoir amoureux… il y aurait un ring où livrer ces combats. On en serait quitte sitôt redescendu, et peinard.

 

Le mimosa fane instantanément dans le vase, comme toujours d’ailleurs le feu dans l’eau.

 

Les aristocrates à la lanterne ! Le prince charmant prend du ventre et perd ses cheveux. Qu’on lui coupe la queue !

 

samedi 1 février 2025

5780

Le garçon est si revêche, si renfrogné que je lui commande sans hésitation un café latte, sachant que, dans ce bar, l’usage est de dessiner avec de la poudre de cacao deux grands yeux rieurs et un bon sourire à la surface.

 

Parfait ambidextre écrit de la main droite, efface de la main gauche.

 

Sur la banquise immense, on ne voit qu’elle – la puce de l’ours polaire. On la fuira sous peine d’être saigné à blanc.