mardi 15 juillet 2025

5940

Assis sur mon banc, à Nernier, je regarde les montagnes suisses de l’autre côté du lac. Il m’apparaît que le Fuji se découperait très avantageusement aussi sur le Léman. Dommage qu’il n’y en ait qu’un – et que jamais il ne change d’horizon.


L’écrivain doit composer avec des mots qui mentent. Vivier, par exemple.


Or nous aurions le mal de mer aussi si nous voguions sur les montagnes.


[La revue américaine Substance m’a invité à participer à son dossier arboricole. Un numéro dirigé par Thangam Ravindranathan et Nathalie Dupont, que je remercie. On peut lire ici ma contribution, extraite de ce journal et dédié à mon valeureux éditeur, The Avenging Tree.]

lundi 14 juillet 2025

5939

Il y a dix ans et plus, je citais volontiers dans ce journal les mots si charmants de mes filles, attribuant leur finesse, leur profondeur et leur drôlerie au génie de l’enfance s’exprimant par leurs bouches naïves. Oh, comme j’étais injuste, mes chéries ! Cette année, Agathe : 20 à l’écrit et 19 à l’oral du bac de français ; Suzie : mention Très bien avec félicitations du jury à l’épreuve du brevet (40/40 en rédaction)... Je vais leur céder la baraque.


Bon pied (dans la tombe), bon (d)œil.


Ballet d’hirondelles ce soir sur le lac, qui chassent au ras de l’eau – ah ! mais voilà donc le secret de ce ventre si blanc !


vendredi 11 juillet 2025

5938

Souvent, je rêve que j’écris. Et de belles choses, vous pouvez me croire ! Seulement, je n’en ai plus aucun souvenir au réveil, juste une impression, cuisante comme un remords.


Or ce matin, me revient de l’un de mes rêves, non une de ces pages de poésie nouvelle, mais un échange téléphonique avec une personne de ma connaissance, réellement atteinte d’une maladie grave. Comme je lui demande comment elle se sent, elle me répond : « oh, ça va comme un troupeau. »


Et immédiatement je comprends le sens de cette heureuse formule : sa santé est fluctuante, ça va ça vient, il y a des jours terribles, des jours meilleurs, certaines de ses forces résistent, certaines déclinent, tout comme il y a dans le troupeau mouvant des bêtes plus vaillantes que d’autres. Oui, l’expression mériterait de rester. Ça va comme un troupeau. Mais alors tous ces écrits oniriques effacés au réveil ?! Ma grande œuvre perdue ! Oh, comme ça cuit !



jeudi 10 juillet 2025

5937

J’accélère ma foulée, je prends de la vitesse, je cherche à me fuir en poussant jusqu’au blanc de la disparition le dégradé de ma course afin de rompre tous les fils qui me lient à ma personne, j’y suis presque, mais soudain la fatigue me rattrape et je dois m’arrêter, alors je reviens sur moi d’un coup et du plus loin qu’il me souvienne, comme catapulté, le choc est si brutal qu’il me déséquilibre et que je tombe en avant, le nez dans la poussière. Encore raté. Mais je vais m’aguerrir, travailler le démarrage, travailler l’accélération, et refaire une tentative


lui raide

elle souple

un couple


Deux mondes, l’un sous, l’autre sur le lac. Guère d’échanges entre les deux. Soit tu ferres, soit tu coules.

mercredi 9 juillet 2025

5936

Dans le petit port de Nernier, la monitrice qui tracte sur son Zodiaque une ribambelle d’Optimists chargés d’enfants croise une cane suivie de ses sept canetons en file indienne, et je me demande laquelle se moque de l’autre.


Pervers et sage, pourtant, celui qui jouit de l’humiliation qu’on lui inflige. Son bourreau est à son service, condamné à ne plus produire que de la bave et des excréments.


La grève des contrôleurs aériens ne nous a guère affectés ici. Il y a toujours quelques milans qui tournent dans le ciel.



mardi 8 juillet 2025

5935

Il ne saurait être question que cette page reste blanche. Je ne vais quand même pas m’employer à ne rien faire !

 

On aura une plus juste idée de la vie quotidienne du tamanoir en quête de sa pitance quand on saura qu’il ne mange que les cuisses de la fourmi.

 

Enfin, il rase cette vilaine barbe. Que nous lui conseillons aussitôt de laisser repousser.

lundi 7 juillet 2025

5934

Les conditions d’abattage restent horribles, abominables même, ce qui est d’autant plus injustifiable que nous ne consommons plus de chair humaine.

 

Suis-je vraiment le seul à avoir deviné qu’un petit garçon courait sur le sable au fond de l’océan, déroulant le fil de nylon au bout duquel vole la raie manta ? Il n’y a pourtant aucune autre explication possible.

 

C’est toujours pareil, la fin gâche tout.