Fut un temps aussi où l’écrivain négligé par son époque plaçait ses espoirs dans les générations à venir. Celles-ci, plus éveillées, plus évoluées, intellectuellement moins bornées, sauraient le lire enfin, et s’ensuivrait l’adulation qui lui semblait due mais que la foule obtuse lui refusait de son vivant.
Mais comment jouir et
se réjouir de ce triomphe posthume qui se dérobait si cruellement à l’appréhension
voluptueuse de la vanité ? C’est en pensant à tout cela que je me suis
rendu hier dans une maternité afin de recevoir avant qu’il ne soit trop tard les
éloges des nouveau-nés porteurs de cet avenir glorieux, doués à n’en pas douter
d’un discernement supérieur.
Mais en fait de hourras
pour ma personne et de commentaires éclairés sur mon œuvre obscure, comme je
déambulais avantageusement entre les berceaux de la pouponnière, je n’ai recueilli
que des hurlements et des glapissements atroces tandis que se révulsaient à ma
vue des petites figures idiotes, morveuses et cramoisies ! J’augure mal, j’augure
très mal de l’avenir de la littérature.