De toute façon, nous sommes bien obligés de prendre le taureau par les cornes, il n’a pas de pis !
Vieil écrivain, j’ai
mes ruses et mes stratagèmes. Ainsi, souvent, je noue le fil de l’écriture aux
deux extrémités de mon crayon et j’obtiens – écoutez – un petit trapèze pour le
rossignol.
Son plongeoir
s’effondre et la vague fait un plat.
J’ai fait goûter une huître à la fourchette à gâteau, elle s’est enfilée toute la douzaine !
ligament rompu
l’algue
ne dansera plus
Nul ne serait donc
suffisamment lâche pour ne jamais mourir ?
Toutes les pentes mènent à l’abîme, chacun la sienne, qu’il faut suivre cependant si nous voulons profiter de l’élan pour accomplir l’œuvre dont notre seule volonté n’ébranlera pas les machines embourbées dans le calme plat. Et c’est ainsi que ce qui me rend plus fort me tue.
Puis l’arbre qui
cachait la forêt à son tour fut abattu.
Sa culpabilité ne fait
aucun doute. On a retrouvé le sang de la victime à la pointe de son épigramme.
Il existe tout un réseau de passages secrets, de galeries souterraines, de ruelles écartées, de chemins de traverse qui permet à celui qui l’emprunte de contourner le monde, de s’épargner l’émoi constant de vivre, l’épreuve que chaque seconde lui enjoint de relever. Je le connais bien et souvent je l’arpente, redoutant les promesses contenues là-bas, dans la clarté, au bout du tunnel.
Horizon de collines.
Dans ce pays humide, on compte sur le crapaud pour livrer le sel et la soie.
Pline l’Ancien prétend
que le marbre se régénère et qu’ainsi les carrières infiniment referment leurs
plaies. Tous les Apollon émasculés de la statuaire gréco-romaine vivent depuis
des siècles avec cet espoir… Mais ça tarde, comme ça tarde ! Et Vénus là
tout près qui se cambre !
Deux frères – Alexis et Félix Lebrun –, chez les hommes, deux sœurs – Camille et Charlotte Lutz –, chez les femmes, se sont affrontés en finale du championnat de France de ping-pong. À cette autre table familiale, dressée dans le jardin ou le garage, on apprend les bonnes manières aussi bien qu’autour de celle où l’on déjeune et les réparties également fusent du tac au tac. L’année prochaine, Agathe et moi nous retrouverons en finale, et je serai battu.
Il suffirait pourtant
de le gober pour éclore sans casser son œuf.
Il ne pleut plus. Je
revends mon parapluie sur le Bon coin. Mais voilà qu’une goutte tombe sur mon
nez. Vite, j’achète un parapluie sur le Bon coin. Fin de l’averse, je le
revends… rachète… revends… Ça n’amuse qu’un moment, les giboulées de mars.
En toute matière, le mode mineur me semble le plus juste et, sans doute, concernant l’art et l’écriture mêmement, le plus subtil. Du rutilant bolide lancé à pleine puissance, nous ne connaîtrons que le vrombissement assourdissant, la violente percée de son passage, et derrière lui le monde humilié, suffocant dans la fumée de ses pots d’échappement.
(Le torrent dévalait si
vite que je n’eus pas le temps d’y boire.)
Mais puis-je évoquer le
souvenir de ce beau visage sans lui imposer cette traversée du temps qui ne
saura me le restituer aujourd’hui sans altérations ni outrages ?
Depuis que la présence d’un coordinateur d’intimité est exigée sur les tournages des films pornographiques, bien des choses naguère assez gênantes, pour ne pas dire malaisantes, ont changé dans ces productions.
Il est apparu, par
exemple, que les nombreuses scènes de coucheries n’étaient nullement
nécessaires au bon déroulé de l’intrigue. Désormais, acteurs et actrices
restent vêtus et devisent de musique ou de peinture autour d’un thé.
Bien sûr, il serait
regrettable que les adolescents qui visionnent ces images en cachette au risque
de développer des complexes, inhibitions ou manières inappropriées dans leurs
propres ébats, en viennent à croire que la sexualité adulte bien comprise
ressemble dans la réalité à ces éblouissantes acrobaties verbales.
Le paralune, ingénieux objet de mon invention, se décline en deux versions : fixe, planté sur un pied de fonte, et portatif, pourvu d’un manche rétractable. En la dérobant à votre vue, il vous gardera de tous les épanchements romantiques grotesques, déclarations pathétiques, serments intenables et roucoulades obscènes que la lune inspire même aux âmes les plus frustes et aux cœurs les mieux endurcis.
homme seul
choisis ton sac
le linceul
ou le hamac
La queue du loup est
une grise étoupe. Parlons plutôt du renard.
À ne pas confondre, la main positive, qui s’imprimait en rouge sur la joue du petit Cro-Magnon, et la main négative, qui s’abattait plus lourdement encore, si bien que le sang affluait à ses contours pour marquer d’une étoile blanche la chair de cet insupportable chiard qui prétendait faire la leçon à son père.
Les roseaux vont puiser
aux racines de la pluie.
Il s’est tué une
première fois parce qu’il n’arrivait pas à écrire. Puis il s’est tué une
deuxième fois parce qu’il n’y arrivait plus. Il laisse une œuvre mince, écrite
entre ses deux suicides.
Mais est-il nécessaire de nouer autour de son ventre un tablier de cuir pour constater que l’on ne sait rien faire ?
Tout l’hiver, j’ai
nourri de graisse et de graines les passereaux de mon jardin. Le temps est venu
pour eux de bâtir leur nid. Cent petits yeux ronds m’observent quand je sors.
S’attendrait-on à une distribution de brindilles ?
Il l’avait idéalisée
sans son consentement. Des vers compromettants l’attestent. Le poète Pétrarque
assigné en justice par son ex-muse, Laure aux blanches mains, se trouve dans de très sales draps.
Il était temps mais il semblerait donc que les hommes aient pris la mesure des périls liés au réchauffement climatique, lequel pourrait bien leur être fatal avant la fin du siècle. Et voilà qu’ils réagissent enfin avec détermination et non sans efficacité en déclenchant partout des guerres appelées à s’étendre et à se généraliser, hâtant ainsi astucieusement le terme de leur disparition. Tout le génie humain se mobilise pour prendre de vitesse l’apocalypse climatique. Gardons confiance en ses ressources ! Nos chairs auront fondu avant les glaces !
Travaille ton dribble
en forêt.
Plus il est impotent,
plus son agressivité augmente. Il vient d’abandonner sa canne-épée pour un
déambulateur lance-roquettes.
L’essaim dans le pommier ne sait pas ce qu’il risque ni que je suis moi aussi ignorant de tant de choses…. Et si j’avais dans l’idée que l’on fait le miel comme la compote… ?
Il voudrait être un
jouisseur, un flambeur, un tombeur, puis avoir été Kafka.
Je gâche tout ce que je
touche, hormis le plâtre cependant dont je parviens à faire de pulvérulents
grumeaux.
Je mangeais donc très opportunément un croissant la dernière fois que j’ai ouvert mon exemplaire des Matinaux, de René Char. J’ai noté dessus la date… mince, janvier 1985. Du bout de l’index, j’attrape les miettes entre les pages. Il est temps de finir ce petit déjeuner.
La source de l’orage
commence par faire rouler le rocher qui l’obstrue.
La branche ne sait
faire que : fleur, fruit, feuille. C’est déjà bien. C’est déjà très bien,
je ne dis pas le contraire. Mais l’oiseau qui s'y pose devra lui-même obéir au programme. Gonfle sa gorge, lisse ses plumes, bat des ailes
(fleur) ; pond (fruit) ; s’envole (feuille).
Pourquoi cette obsession de la minceur ? Quant aux plaisirs de la chair, ne vaut-il pas mieux réjouir cent kilos que cinquante ?
– Moi je n’étais pas
bien forte en maths, c’est pourquoi je me suis orientée vers les Lettres,
n’allez surtout pas imaginer que j’avais du goût pour ça ! proteste devant ses élèves la professeure de français de
Suzie.
Dans un monde bien
ordonné, les dés tomberaient des arbres quand le hasard aurait vraiment mûri
ses projets.
Il faut se méfier de l’eau qui dort plus encore quand cette somnambule sort de son lit.
Si tu en as soupé du
bon lait maternel, tète plutôt le melon. C’est du porto.
(Car on appelle harde
la ribambelle adulte.)
un sacré pensum
voué aux soûlographes
l’encre est un vieux
rhum
hors d’âge en ses tomes
lors je la carafe
dans mon paragraphe
libère ses arômes
pour te rendre paf
mon petit bonhomme
un putain de taf
On demanda au maître verrier de faire la preuve de la supériorité de son art. Qu’à cela ne tienne, et il invita les sceptiques à lancer des cailloux sur sa vitre, laquelle aussitôt se cribla de cercles concentriques éphémères, et ce fut tout. On ne revit plus les cailloux.
au ciel avant lui
l’âme du papillon
son squelette
– Si tu as vraiment
quelque chose à claironner, vas-y ! m’impatientai-je. Mais la
jonquille demeura silencieuse, et toutes ses sœurs de la fanfare aussi.
L’écureuil se fige sur sa branche lorsque j’apparais. Un instant de stupeur puis, aussi vite qu’il le peut, il grimpe en haut du tronc, affolé, exprimant tous les signes de la plus grande panique…. Comment sait-il ? Qui a bien pu le renseigner ? Je n’en ai jamais parlé à personne, je croyais n’avoir laissé aucune trace… Aurait-il deviné ?
Toutes ces tergiversations pour légaliser l’euthanasie ! On ne fait pas tant de manières pour aider à mourir à coups de missiles ou de roquettes tant de bien portants qui n’avaient pourtant jamais fait part à leurs proches de ce désir.
Vautré dans mon canapé, les pouces sous les aisselles, j’engrange les bonnes notes de mes filles.
Il leur aura fallu du temps, mais enfin les archéologues ont découvert l’emplacement de ma sépulture ! Avec mille précautions, ils exhument le crâne qui renferma le cerveau prodigieux où se forma mon œuvre afin de l’exposer à la vénération des foules dans un reliquaire conçu tout exprès.
Et puis non.
C’est un paléontologue
sarcastique qui exhibe l’ossement devant ses pairs de l’Académie des sciences,
insistant sur l’exiguïté de la cavité occipitale et la convexité frontale peu
marquée qui expliquent selon lui les conceptions étriquées, le mode de vie
rudimentaire et la barbarie des mœurs des humanoïdes peuplant la Terre au
tournant des XXe et XXIe siècles de cette ère
heureusement révolue.
Je laisse sonner dans le vide le téléphone de mon salon, et j’observe. C’est donc cela qui advient quand je ne suis pas là... Force est de constater qu’il ne se produit rien de bien excitant en mon absence. Ce doit être bien ennuyeux, la vie en Chine. Et quelle désolation, le monde, quand je n’y serai plus !
Non seulement il lui
manque un bras mais, de son autre manche, sort une tête ! Pauvre cygne.
La caméra de
surveillance sait avant celle du réalisateur qui est l’assassin dans son film.
Certains hommes peuvent donc se vanter d’avoir inventé une arme de destruction massive. Mériteraient pas plutôt une bonne fessée ?
C’est une cachette que
je me croyais seul à connaître, un diverticule de ma conscience, un repli
secret de mon âme où souvent je me retire pour avoir la paix. Quels ne furent
donc pas ma surprise et mon ennui d’y trouver ce matin quelqu’un d’autre,
installé là comme en lui-même !
Érigée pour survivre au
Déluge, et dans l’attente de ce grand jour qui la justifiera, la girafe
incongrument erre dans l’aride savane.
[Dernière semaine ! La souscription pour Chiens écrasés se termine le 18 mars]
L’allergologue consulta les résultats de mes analyses et me regarda avec perplexité. Je ne tolérais plus rien. Mais il n’eut pas le temps de me livrer son diagnostic. Déjà, j’avais saisi le presse-papiers sur son bureau et fracassé le crâne de cet exaspérant personnage.
Saurons-nous finalement
ce que l’eau fuyait ?
Tant de rides qu’il n’a
qu’à choisir parmi elles le sourire ou la grimace qui exprimera le mieux son
humeur. Récompensés pour les efforts de toute une vie, les muscles de son
visage peuvent enfin se reposer.
Écartant une branche feuillue, je révélai l’entrée d’une grotte. Par curiosité, je m’y engageai. La galerie, d’abord étroite, s’élargit et je parvins dans une salle immense peuplée d’une faune fabuleuse. Je reconnus des mammouths, des grands pingouins, des couaggas, des hippotragues, des drontes, des lions du Cap…
Alors je compris que
leur instinct avait conduit ici, au cours des âges, dans cette cachette ignorée
des hommes, les derniers spécimens des espèces menacées d’extinction qui
reconstituaient leurs populations à l’abri de nos nuisances et de nos carnages.
J’allais repartir quand
je vis arriver une jeune femme qui me sourit et me demanda : – Vous
aussi, c’est l’instinct qui vous a mené là ?
Suspends ta besogne harassante, lâche l’affaire, offre-toi du bon temps, je m’occupe de tout. C’est en ces termes qu’est libellé le mail collectif que je viens d’adresser à tous les écrivains français. Mais sauront-ils saluer ma générosité, prendre la mesure de mon sacrifice et m’abandonner les rênes de l’entreprise ?
Notre époque semble
découvrir que les caresses sont vicieuses…
Non seulement il n’est
pas imperméable, si bien que sa toile très rapidement s’imprègne d’eau et pèse,
mais il n’est pas étanche non plus, de sorte que l’averse bientôt le traverse, deux
caractéristiques qui font la supériorité de ce parapluie de mon invention sur tous
les autres : on ne s’en encombre pas.
Dans les années 80, nos petites amoureuses étaient toutes en permanence lestées de Belle du seigneur, l’imposant volume Gallimard original, la première édition de poche datant de 1998. Elles pouvaient bien être furtives, sveltes et légères, le livre pesait dans la besace, dans le sac à dos, dans le sac de plage, grâce à quoi peut-être elles s’envolaient moins vite loin de nous. Je ne l’ai jamais lu, pour ma part, mais je vais le faire, par nostalgie, par gratitude, curieux surtout de savoir enfin ce qui les retenait si bien dans ces pages et si les femmes de ma génération n’ont pas payé trop cher leur scoliose.
Les soucoupes volantes
sont la preuve, non seulement qu’il existe des peuples extraterrestres, mais encore
que les couples qui se querellent usent des mêmes pauvres arguments dans toutes
les galaxies.
Un panier de dattes sur
chaque flanc, et l’on s’étonne que le chameau ne passe pas par le chas de
l’aiguille !
Qu’est-ce que ce nouveau-né vient faire dans un monde déconseillé aux enfants de moins de 12 ans ?
Puis j’eus l’idée de
substituer à mon diabolo le sablier dans lequel s’effritaient mes jours, de le
faire tourner sur la ficelle entre les deux bâtons, de tendre soudain celle-ci
pour le propulser dans le ciel et, dès lors, mon existence fut soustraite à la
chronologie ordinaire, elle décrit désormais des boucles dans le temps, l’avenir
et le passé survenant très aléatoirement sans jamais s’inscrire dans la durée.
C’est beaucoup plus amusant.
Le chat en vain se
cherche partout dans le jardin. Il est tombé dans la doublure de soie de sa
fourrure et s’y trouve certainement encore.
Rimbaud a serré la main de Verlaine qui a serré la main de Hugo qui a serré la main de Flaubert qui a serré la main de Daudet qui a serré la main de Proust qui a serré la main de Joyce qui a serré la main de Beckett qui a serré la main de Lindon qui m’a donc serré la main et transmis l’amical salut de tous.
Premier étêté, le
billot.
(Vous souhaitez rejoindre
la glorieuse farandole ? Mes tarifs sont très abordables : 1000 euros pour
un vigoureux shake-hand. Comptez le double pour un baiser.)
J’envisage de créer un mouvement féministe non mixte, ouvert aux seuls hommes. Il est temps de faire triompher cette juste cause et de la confier pour cela à des personnes sérieuses et compétentes qui ne risquent pas de déserter nos rangs à tout moment pour cause de grossesse !
Le phoque, tu lui
enfilerais une veste multipoches, il aurait tôt fait de toutes les bourrer de phoque.
Son parapluie dans une
main, son ombrelle dans l’autre, l’homme se lance à la conquête de l’espace.
Il arrache son paquet de cigarettes des mains de l’homme qui lui en offrait une, et détale. Qu’il est émouvant d’assister à la naissance d’un nouveau Jean Valjean, d’être ainsi témoin de l’événement qui va ouvrir son cœur à l’amour et à la bonté ! Je retiens mes larmes à grand peine, puis cherche un tabac où me racheter des clopes.
Prescrit dès que digéré,
le crime de l’ogre.
l’hostie ne fait pas le
moine
trop maigre tartine – l’avoine
est moulue si fine
Ils envoient des photos de leur bite en érection à des malheureuses qui n’ont rien demandé. Jamais pour ma part je ne ferai une chose pareille ! Je n’ai pas le bras assez long pour un tel selfie.
Enfin, l’inoffensif
soldat de plomb sut faire efficacement usage de son sabre pour se réduire en
grenaille meurtrière.
Quant à la politique de
l’émeu, elle consiste à se cacher dans l’autre huche.
Puis notre création nous échappe. Dieu est surpris par chaque arc-en-ciel.
Sa maigreur nouvelle
impressionne. En sa présence, nous sondons déjà son absence. Nous nous tenons
avec lui au bord du vide où il va disparaître.
Je ne suis pas
favorable au mariage des prêtres. Il y a déjà suffisamment de violences
conjugales comme ça.