Je
prolonge un peu mon séjour et la longue table du restaurant de l’hôtel
qu’occupait auparavant notre spirituelle équipe de festivaliers
littéraires – s’échangeaient, de l’entrée au dessert, considérations
philosophiques de haut vol, fines plaisanteries, commentaires éclairants de
Dante ou Shakespeare, propositions audacieuses de réformes du système en vigueur – a été investie ce soir par un groupe de cadres en
séminaire, sans doute, en goguette, sûrement, duquel fusent jusqu’à moi à jet
continu, avec des éclaboussures de sauce chien, vulgarités affligeantes,
banalités consternantes, obscénités navrantes et rires épais… quelle tristesse !
Assis à ma table d’angle, paupières closes, je me concentre pour former des
pensées délicates et essayer seul de faire vivre malgré tout l’esprit du lieu…
On
attend de pied ferme l’ouragan sur ces rivages. Les lames des parasols sont en
métal. Toujours pas, néanmoins, celles du fragile cocotier.
Après
quelques jours, repris par ta passion du toujours moins, devenue plus féroce
encore, tu t’arraches à l’île pour rejoindre l’îlet.