Il y a ce moment de flottement où l’escalier parvenu à l’étage n’a pas compris encore qu’il n’irait pas plus haut. Il pédale dans la semoule, il pioche dans le vide. Puis, incapable de s’accommoder de toute cette platitude, le plus souvent, il préfère redescendre.
Inutilité
de la capuche qui éteint quand on la coiffe la flamme que l’averse allait
noyer.
grand
maître de go
soudain
nigaud
son
goban un toboggan
Je crains d’arriver à Tokyo après la floraison des cerisiers. Alors je m’en mets plein la vue maintenant, dans mon jardin, en contemplant le mien.
Une
fenêtre de tir qui ne serait pas une meurtrière ?
grand
maître de go
soudain
nigaud
au
lieu de sa pierre un lego
Je ne peux retenir mon rire tant son imitation du cri de la mouette est parfaite, et tant pis si le fait qu’elle soit elle-même une mouette atténue sans doute un peu l’éclat de sa performance.
Né
lapin vivra lapin. Il y en a pour qui c’est simple.
Le ver
de terre aère et nourrit le sol de ton potager. Tu peux quand même bien
l’autoriser en retour à offrir une de tes laitues à la limace !
Plus bas, dans la vallée, au fond d’un jardin, j’avise une roulotte ancienne qui évoque aussi bien gitans et bohémiens des époques révolues que les troupes de comédiens ambulants qui battaient les estrades sur les places de village. Elle a quitté les chemins vicinaux pour ce gazon bourgeois.
Elle
doit être à présent une pittoresque chambre d’amis. Une jardinière aussi, car
elle a été flanquée de balconnets fleuris. Les larmes viennent toutes seules.
Et l’on n’a qu’une envie, s’arracher de là. Foutre le camp.
Tailler
la route !
Or le miroir que j’avais si aisément traversé pour accéder au jardin enchanté était accroché à un mur contre lequel je me brisai le nez.
– Un café pour moi et une écuelle d’eau pour le
chien si c’est possible ?
– Bien sûr, monsieur.
– Et une tonne de fourrage pour mon
troupeau ?
L’enfant comprend bientôt que la vie ne sera
pas une partie de plaisir. Ou bien la petite cuillère serait pour la soupe et
la grande pour la crème.
Le temps des terrasses ensoleillées est revenu, mais j’ai du mal à m’arracher au fauteuil club du café où j’ai hiberné. J’envisage d’enchaîner sans bouger sur une confortable estivation.
Elle
se satisferait très volontiers de sirop de menthe, de chocolat chaud ou de
crème anglaise. Est-ce de sa faute, à la puce, si son hôte ne lui propose
jamais que du sang ?
Je ne
connaissais pas l’angoisse de la page blanche, et voici qu’elle me visite. Sueurs
froides, tremblements. Tant de gens écrivent aujourd’hui que je crains la
rupture de stock.
[Amis Tokyoïtes, je serai heureux de vous rencontrer enfin le 22 avril à 19 h. Toutes les informations ici.]
ni une silhouette dans les rues
pas
même un point dans les nues
où
es-tu, M’as-tu-vu
à
croire qu’il a disparu
par
magie turlututu
chapeau
pointu, M’as-tu-vu
ni
sa figure ni son cul
a-t-il
seulement vécu
jamais
plus, M’as-tu-vu
Je déclare officiellement ouvert ce nouvel espace de vie voué à l’harmonie, à l’épanouissement de l’être dans toutes ses activités et relations, à l’amour, à la douceur, aux échanges fructueux et apaisés avec toutes les créatures, à la volupté, à la musique, aux livres qui réjouissent l’intelligence… Ayant dit, je coupai le cordon ombilical de ma fille.
Marine Le Pen
inéligible. Voudrait-on nous empêcher de ne pas voter pour elle ?
Seule la personne qui
partage notre vie finit par comprendre à quel point il nous est pénible d’être nous-même,
jusqu’à partager finalement ce sentiment. Encore un miracle de l’amour…
Ainsi donc, nous voici de nouveau entrés dans une « économie de guerre ». Nous allons consacrer nos efforts à concevoir et fabriquer des armes pour nos enfants, plutôt que des jouets et des livres. Ils les trouveront prêtes à l’emploi quand ils seront grands, missiles tout frémissant sur leurs rampes, avions de chasse piaffant dans leurs boxes. Magnifique perspective et doux souci du lendemain. Progrès en amour assez lents, écrivait Paulhan. Je crois même que nous avons trouvé le frein.
Peut-être que le panda
raffolerait du poisson ? Mais il mange sa canne à pêche !
La guérite est une
invention paradoxale, qui aveugle la sentinelle sur trois côtés, trois chemins
par lesquels arrivera tranquillement l’ennemi, le couvercle du cercueil sous son
bras.
tant avance qu’elle recule
cette
obstination ridicule
au
tombeau l’accule, Tête de mule
tu
ne te plais pas sur la Terre
justement
une place se libère
dans
l’éther, Tête en l’air
on
respire en gonflant ses côtes
elle
oublie et expie sa faute
sous
les mottes, Tête de linotte
Ce que tu veux dire par là, dis-le plutôt ici.
Il monte la gamme ; elle la descend. Ainsi
se rencontrent-ils et sous nos yeux se forme un nouveau couple de crabes.
Mais comment un type
qui prend tant de place peut-il tenir dans un slip ?
C’est alors que le sol se soulève. Grand émoi sur zone. Indescriptible panique alentour. Des profondeurs bouleversées refluent la terre, le sable, un monticule se forme, qui grandit. Des éboulis sur ses pentes accentuent l’impression de chaos. Le sommet s’affaisse, comme si s’ouvrait en son centre un cratère. On ne sait encore s’il faut parler de type péléen ou de type strombolien, ou de type hawaïen.
Surgit enfin la tête pointue d’une taupe qui
bien vite s’enfouit dans sa galerie, échappant de justesse à la catastrophe –
cette lumière qui descend du ciel comme une lave.
Hawaïen.
le vent se brise sur sa poupe
culmine au cimetière sa
croupe,
out, Gros plein de soupe
une chose aura su lui
nuire
un tigre un microbe une
Elvire
il expire, Dur à cuire
lègue une ombre à celle
qu’il aime
d’autant plus livide
qu’il fut blême
du chrême pour Face de
Carême
[Avant-dernière étape de la saison pour le marathon autofictif de Christophe Brault, mardi 8 avril à 20h à la Maison de la poésie. Réservation recommandée. Présence souhaitée.]
Depuis vingt ans, à la même époque, je recevais sa visite. Sa bonne grosse tête se pointait derrière mon carreau. Elle ne viendra plus. Le rosier sous la fenêtre est mort cet hiver. Sa plus haute fleur, jaune pâle, aux larges pétales frangés de rose, rejoint dans mon souvenir mes autres chagrins d’amour.
Ne te risque pas à
gratouiller le crâne d’un chien qui mange ou d’un écrivain qui écrit.
A Room of One’s Own. Ou plus simplement A
Panic room.
J’apprends que mon stock de virgules est épuisé. Il va falloir continuer sans. Au moins, ça va aller vite.
Ce cheval affecte
fugacement la forme d’un nuage, puis le vent cesse de déranger sa crinière.
On reste au contraire
bien droit, immobile et planté là dans le bougeoir – camisole du fou
follet.
vainement s’époumone
seul le silence claironne
aphone, Marie j’ordonne
beaucoup moins revêche
avec le fossoyeur de
mèche
voici ma bêche,
Pimbêche
tous les sucs du désir
taris
sans amants pourquoi un
mari
couche-toi-là, Marie
Elle me fait le coup de l’indifférence. On sait ce que ça veut dire… Je vais porter plainte pour harcèlement !
Étanche, insubmersible,
ignifugé, ininflammable, ni l’eau ni le feu ne porteront la destruction ici, il
va donc falloir une fois de plus laisser la colère tout faire.
Depuis qu’il repose en paix, les vers ne
connaissent pas de répit.
Je croise dans la rue le garçon du café où j’ai mes habitudes. Nous échangeons un salut embarrassé. Il est évident que nous manquons cruellement de repères.
Depuis que le guano se
vend en tube, il faut le vouloir pour rater ses marines.
Gare ! Le gratte-dos
télescopique est coutumier des mains aux fesses.
des spasmes des hoquets
ni bordel ni troquet
claqué, Paltoquet
de son échelle chu en
bas
de tout son long étendu
là
sous un drap, Échalas
dans la soupe son
dernier cheveu
cul-béni d’un pouce
huileux
adieu, Fesse-Mathieu
Quand tu crois avoir touché le fond, regarde autour de toi : il y a toujours une luge pour te redonner espoir.
Le foot serait plus
divertissant encore si le ballon était pourvu d’une corne, non ?
Je ne séjournerai que
quinze jours au Japon. J’ai prévu d’aller méditer dans un jardin zen, et c’est
tout. Je n’aurai pas le temps pour autre chose.
Encore une attaque de squale. Jaillissant d’une vague, ce requin-marteau a cloué le surfeur sur sa planche.
Si la queue du lézard devait
repousser plutôt au cul du prédateur qui la lui a coupée en essayant de le
capturer, ce dernier lui ficherait la paix. L’évolution ne choisit pas toujours
la solution la meilleure.
On a peine à le croire
mais, quand elle avait encore ses plumes, l’enclume s’essorait sans effort pour
voleter dans le ciel clair et couvait ses œufs, c’est peut-être cela le plus
surprenant, sans jamais en casser un seul.
ni du soir ni du matin
ni d’hier ni de demain
sur la fin, Flandrin
malhabile de ses mains
sous ses pieds nul
chemin
au coin, Flandrin
pulvérulent mais sans
levain
jamais là au quotidien
moins que rien,
Flandrin
Une autobiographie n’est en somme qu’un agenda rempli après coup et quand, donc, cela n’a plus aucune utilité.
La vague se propose de
remplir ta baignoire.
Faire chambre à part.
C’est le seul moyen pour se débarrasser de la punaise de lit.
L’appréhension des moindres faits de mon existence se colore d’angoisse ou d’euphorie. Tour à tour l’enthousiasme me soulève puis le désespoir m’accable. C’est qu’il s’agit rien de moins que de faire l’emplette d’un filet de clémentines.
PASCAL – Le nez de
Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.
CLÉOPÅTRE – Ô le plus
lamentable des êtres, ces folles plaisanteries, je me les sers moi-même avec
assez de verve, mais je ne permets pas qu’un autre me les serve !
Son stylo est
vide : plus de style.
voilà à quoi la vie nous mène
un doux regard une
lourde peine
tu as de belles
orbites, Chimène
colère rencontra
choléra
dont le baiser lui prit
la voix
plus ne chantera,
Rémora
tu ne perdais rien pour
attendre
à tant prédire pis que
pendre
plus crédible en
cendres, Cassandre
Mourir m’enrhume, c’est amusant…, écrivis-je ce matin avec entrain, en ouverture du nouveau roman dont j’entamais la rédaction. Puis il me revint tout à coup que c’était là déjà précisément les premiers mots de mon premier roman, paru en 1887, pardon, 1987. J’essayai de poursuivre, mais implacablement se proposaient sous ma plume, dans leur même ordre initial, les phrases de ce roman. J’étais désormais condamné à me répéter. J’avais fait le tour de cette terre ronde en alignant des mots. Je revenais aujourd’hui sur mes pas. (J’en veux encore pour preuve que j’ai déjà raconté presque mot pour mot ce récurrent cauchemar dans ce journal, le 26 juin 2012).
Cet enfant gâté vivra
grassement jusqu’à la fin de ses jours de la revente de ses jouets sur
internet.
Décevant. C’est encore
un poireau qui sort le premier de ce sac à malices.
Inoffensive, la littérature ? Le tranchant des pages coupe pourtant si bien nos doigts que nous avons tort peut-être de lui exposer aussi naïvement notre gorge nue.
J’ai un bon coup de
pédale. Le couvercle de ma poubelle se soulève aussi sec.
Une musique qui
pourrait être le cri de détresse du perce-oreille tourne en boucle dans la
chambre de Suzie.
– Tu n’écoutes vraiment
que des choses de ton époque, ma chérie…
– Hé non ! Ça,
c’est sorti il y a deux ans ! Cheh !
ni sang ni larmes ni foutre
les termites ont rongé
sa poutre
passé outre, Jean-foutre
il ne se pousse plus du
col
son trou est creusé
dans le sol
il est mol, Popol
cercueil le divan
où repose ce gisant
Gros-Jean, les pieds
devant
Nous avons mobilisé la vapeur pour servir nos entreprises mais nous n’avons jamais rien su faire de la buée qui s’échappe de nos lèvres en hiver, sinon des dessins sur les vitres. Il y a là une formidable énergie qui se perd comme un vain bavardage. Mettons tous nos ingénieurs sur le coup !
Puis passons rapidement
des accords avec les pays du Grand Nord afin d’importer à bas coût cette
matière première que leurs populations élaborent sans effort tout au long de
l’année mais qui pourrait bientôt se raréfier du fait du réchauffement
climatique.
Constituons donc des
réserves tant que cela est possible, implantons partout sur notre territoire
d’immenses citernes de buée, énergie propre que chaque citoyen par temps froid
contribuera à produire sa vie durant et jusqu’à son dernier soupir.
L’écrivain est tout de même le seul micro-entrepreneur qui sous-traite avec l’Univers.
Lorsque le sable se
partage équitablement entre les deux ampoules de ton sablier, joue à faire
tourner celui-ci sur une ficelle fixée à deux bâtons. Amuse-toi-même à le
lancer haut dans le ciel, tournant toujours, maintenu par la révolution sur son
axe horizontal, avant de le recevoir sur la ficelle. Ainsi ton sablier
demeurera un passe-temps sans plus menacer tes jours.
À l’heure du crime, il
prétend qu’il se trouvait à Albi. Il a donc un trou dans son alibi.
il tient à l’envers son flingue
puis tout son être se
déglingue
finie la bringue,
Frappadingue
est-du Valium ou du
Tranxène
il dort déjà depuis
trois semaines
amen, Énergumène
non tu n’as pas la
berlue
il y a un homme au bout
pendu
qui l’eût cru,
Hurluberlu !
À quelques tables de la mienne, dans le café où j’ai mes habitudes, est assise une femme dont l’expression ne trompe pas, ni les feuilles raturées devant elle : elle écrit. Je m’y mets à mon tour, mais la concurrence est impitoyable. Dans cet espace restreint, nous nous disputons chaque mot.
L’un après l’autre,
nous prenons l’avantage. Quand sa main court sur le papier, la mienne se fige.
Quand l’idée se formule toute seule sur ma page, je la vois qui sèche. J’ai
l’impression de faire un bras de fer avec un marin australien dans une taverne de
Dunkerque.
Elle m’eût terrassé
peut-être, mais voilà qu’après un coup d’œil à sa montre, elle fourre en hâte
ses feuilles dans son sac et s’en va. J’imagine que le cargo va appareiller et
qu’elle doit rejoindre son bord pour la manœuvre.
pelure de rabot
chapeau sur les os
pâlot, Zigoto
toujours de dos
decrescendo
ciao, Zigoto
perdus ses mots
son âme son mégot
K.O., Zigoto
Je n’ai jamais réussi à donner confiance au petit garçon timide que je fus. Ce sera lui encore qui tremblera dans le vieillard.
Le texte de Proust est
le système nerveux à vif de la littérature.
J’ôte une à une les
douloureuses échardes plantées dans sa peau. Enfin quoi, je plume ce poulet.
Je ne l’avais pas revu depuis une vingtaine d’années, mais le Ponte Vecchio n’a jamais si bien porté son nom qu’aujourd’hui.
On a beau savoir qu’il y en a toujours un qui aime plus que l’autre dans les couples, il est bien difficile de dire lequel, de la truffe ou du pecorino, tire le meilleur profit de leur rencontre.
Je veux que les cendres de mes manuscrits soient dispersées aux quatre coins du monde.