mardi 20 août 2024

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Je n’invente rien, d’ailleurs je tiens l’histoire de Bernard lui-même, fils aîné de l’un des gosses dont il sera question. Elle nous ramène aux années 1920, dans ce village de Haute-Savoie où je séjourne, sur le Léman. On avait laissé jouissance au père Matty des combles de la maison qu’il occupait auparavant à titre gracieux et que les propriétaires avaient transformée en café-quincaillerie. Le père Matty vivait de son potager et de ses trois poules. Il n’avait jamais vu un sou et n’aurait su dire si la chose était ronde ou carrée.

 

C’est alors qu’un boulanger vient s’installer au village. Chaque matin, il livrait son pain et coupait sa tournée d’un coup de blanc. L’odeur du pain frais montait jusqu’à la mansarde du père Matty depuis la carriole garée au-dessous et excitait férocement son appétit. Aussi avait-il fixé un clou à l’extrémité de la perche avec laquelle il gaulait les noix et, par sa fenêtre, harponnait prestement son pain quotidien.

 

Lorsque le boulanger quittait le café, il ne manquait pas de demander aux gosses qui jouaient dans la rue : – L’a-t-il pris ? Les gosses confirmaient. – Alors je peux y aller, et le bonhomme reprenait sa tournée.