Hier
soir, à la Maison de la poésie, Christophe Brault a parcouru la quatorzième
étape de son marathon autofictif, seul en scène comme à son habitude, mais
cette fois aussi seul dans ce théâtre, seul dans la course… il fut la plaie et le
couteau, le soufflet et la joue, les membres et la roue, que sais-je encore, et
la victime et le bourreau... J’étais là pourtant, moi aussi, autre grand
abandonné, face à ces rangs de fauteuils rouges qui semblaient tous me tirer la
langue, gencive écarlate d’un rire assassin ou mâchoire décrochée par le bâillement
qui accueillait ce soir ma présence obstinée, indésirable, malencontreuse,
dérogatoire.
Moi, miraculé, recroquevillé dans une poche d’air sous les décombres de la Maison de la poésie,
commerce inessentiel, car non commercial, toujours en vie peut-être parce que
l’existentiel précède l’essentiel, mais avec une vue aussi nette que depuis ma
tombe sur le néant des choses, sur notre solitude désolée, sur ma glorieuse
postérité, sur cette terre stérile couverte de cendres… Plus personne… Les
spectateurs auraient-ils craint de se retrouver cas contact, lecteur ou auditeur
contact de cette prose délétère peut-être pour leur sang et leurs poumons ?
Tant pis pour eux. Car, au contraire, j’ai secrètement mis au point le vaccin anti-Covid
et j’avais injecté dans mes phrases ce puissant antidote. La voix de Christophe
l’aura diffusé dans le vide. Nous serons les deux seuls survivants !
Présentiel
ou distanciel, l’arc-en-ciel ?