Au café, perdu dans mes pensées, immobile, le regard fixe, une soudaine agitation me ramène à la réalité, la conscience du monde me revient et je vois enfin ce que j’ai devant moi, et qui s’agite donc.
C’est une femme, assise à quelques mètres, donnant tous les signes de l’exaspération la plus
vive, convaincue, je le comprends alors, que je la mate effrontément, que je la
déshabille des yeux depuis tout ce temps. Je dois à l’honnêteté de dire qu’elle n’est
pas bien jolie et à la vérité d’ajouter qu’elle est vraiment affreuse.
Mais je détourne les
yeux en simulant un douloureux effort comme si je m’arrachais avec peine à sa
contemplation pour rejoindre une existence désormais sans but, hantée par son
souvenir, minée par le regret, car l’honnêteté et la vérité m’obligent à reconnaître
que je suis un excellent homme.