À quelques tables de la mienne, dans le café où j’ai mes habitudes, est assise une femme dont l’expression ne trompe pas, ni les feuilles raturées devant elle : elle écrit. Je m’y mets à mon tour, mais la concurrence est impitoyable. Dans cet espace restreint, nous nous disputons chaque mot.
L’un après l’autre,
nous prenons l’avantage. Quand sa main court sur le papier, la mienne se fige.
Quand l’idée se formule toute seule sur ma page, je la vois qui sèche. J’ai
l’impression de faire un bras de fer avec un marin australien dans une taverne de
Dunkerque.
Elle m’eût terrassé
peut-être, mais voilà qu’après un coup d’œil à sa montre, elle fourre en hâte
ses feuilles dans son sac et s’en va. J’imagine que le cargo va appareiller et
qu’elle doit rejoindre son bord pour la manœuvre.