de mon haïku
dépasse
le cul
de l'éléphant
Nos doigts
préfèrent les poires mûres aux gaufrettes.
il court il court
déjà n’est plus
dans mon haïku
de mon haïku
dépasse
le cul
de l'éléphant
Nos doigts
préfèrent les poires mûres aux gaufrettes.
il court il court
déjà n’est plus
dans mon haïku
La paix avait duré trois jours et déjà nos vies s’ennuyaient de la guerre. Nous réarmions frénétiquement. Le métal des crans de sûreté serait mieux utilisé désormais. Nos fils allaient se faire tuer sur le front pour n’avoir pas à payer nos retraites. Fallait-il y voir une forme de désertion ?
L’ennemi prenait en toute bonne foi notre
tranchée pour une fosse commune. Il la rebouchait obligeamment avec ses
pelleteuses nucléaires. Nous nourrissions dès lors des projets de vengeance,
comment vivre sans espoir ?
Beauté sitôt épanouie évanouie. Les visages et
les corps, tout s’était épaissi un matin. Joues et fesses soudain nous
englobaient. Noyer notre folie dans l’alcool revenait à lâcher un comprimé
effervescent dans l’eau claire.
– Tout s’est bien passé ? me demande le serveur comme je me présente au comptoir pour régler ma consommation.
– Ma foi, oui. J’ai porté la tasse à mes lèvres
et le café a coulé très fluidement dans mon gosier, je vous remercie. (Je
préfère lui cacher que je ne suis pas très satisfait de ce que j’ai écrit et
que je bloque sur une métonymie coriace, je ne voudrais pas lui gâcher sa
journée.)
j’attends que ce serpent/ se love/ dans mon
haïku
Le myope voit une pie, mais c’est un panda.
D’ailleurs, le presbyte voit ce panda, mais c’est une pie. Le bigleux penche
pour un zèbre. Nous ne saurons jamais nous placer à la juste distance de
l’animal.
Les hommes ne se reproduisaient plus qu’en captivité. On les emprisonnait pour sauver l’espèce. Mais ces parcs attiraient de moins en moins de visiteurs. Nous avions autre chose à faire, des nids à bâtir, des terriers à creuser.
Jamais nul ne l’aurait soupçonné de ce
quadruple meurtre si l’on n’avait trouvé des traces de poudre sur les ailes du
papillon. Il fallait beaucoup d’application et de soin pour rater une gaufre.
La fourrure s’enrhumait par l’anus.
Nous mourions par curiosité, pour savoir enfin
si nous avions une âme, comme se brise le violon qui nous échappe. L’été venu,
la laine préférait filer doux.
[Rappel : une souscription est
ouverte
jusqu’au 4 décembre par l’Arbre vengeur pour le prochain volume de ce journal, L’Autofictif
enneige le Fuji. Les souscripteurs recevront le livre dédicacé quelques
jours plus tard accompagné, tenez-vous bien, d’un haïku inédit (et démesuré)
ainsi que sa traduction en japonais par Hiroko Inada sérigraphiés sur un mini-kakémono
en coton ! Un rêve. L’occasion aussi de se procurer un livre qui risque
d’être comme à chaque fois très peu présent en librairie…]
On m’a volé un tiers de ce qu’il y avait dans mon havresac ! J’ai poursuivi ma route avec ce bissac. On m’a encore dérobé la moitié de son contenu ! Vous pensez comme maintenant je m’agrippe à mon sac !
Le ciel est, par-dessus le toit, si bleu, si
calme, sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis.
Je préfère vous prévenir, c’est assez affreux…
Comme il débouchait sur la grand-route, ce joli petit chemin forestier s’est
fait écraser par un rouleau-compresseur.
Les étoiles étant plus petites alors, il ne leur était pas nécessaire de s’éloigner autant de la Terre pour consteller le ciel nocturne. Puis il existait encore des collines pour nous rapprocher d’elles. Des collines que nous pouvions flatter elles-mêmes de la main en prenant un peu de recul.
Nous n'abattions le gibier que quand nous nous trouvions en
état de légitime défense. Nous pêchions l’ablette en buvant l’eau des
rivières. Tout concourait à l’harmonie. Non seulement nos pets n’allumaient pas
d’incendies, mais ils éteignaient les départs de feu. Dans nos ongles, se
miraient nos dents.
Il n’y avait aucune raison d’aller voir
ailleurs. Seul le temps valait d’être conquis, tout un passé historique riche
en œuvres et en réalisations somptueuses sur lequel faire main basse. Les
pionniers étaient un peu en retard sur le reste du groupe, il leur restait tant
à faire !
La plupart des êtres humains naissent dépourvus de pompon. Il faut alors en acheter ou en fabriquer un soi-même, puis encore le coudre. Dépense d’argent et d’énergie qu’une meilleure finition du bonhomme nous eût épargnée.
E
N
B
CONNARD
U
T
L A
É
RACLURE
D
(Ne plus jamais jouer au Scrabble avec cet
adversaire affligé du syndrome de la Tourette.)
Les corps se
déshabillent pour s’aimer, mais les mains restent nues pour se battre.
[Réservation ouverte pour la prochaine étape du Marathon autofictif, de Christophe Brault, à la Maison de la poésie, le samedi 6 décembre à 20 h. Nous serions bien malheureux de ne pas vous y voir.]
Il n’y en avait que pour la pomme de terre. Elle revenait à toutes les sauces dans les conversations de table. Même quand on parlait d’autre chose, il fallait qu’elle mette son grain de sel. On l’écoutait uniquement parce qu’on la savait nue sous sa robe de chambre et que celle-ci souvent s'entrebâillait.
La bûche se fendait en deux à l'instar de la noix. On
faisait dans la dentelle aussi des napperons de très mauvais goût. La fumée
devenait jaune en vieillissant. La quatrième patte des chiens ne poussait pas
toujours.
Il est exact que le ruisseau chantait. Tout un
répertoire aujourd’hui bien oublié. Les grenouilles prêtaient leur voix aux
écrevisses. Les cailloux ne restaient jamais sourds bien longtemps.
Tout de noir vêtue, très maigre, très pâle, très brune, les yeux cernés de mauve, un anneau dans le nez, la serveuse me demande ce que je désire boire. J’hésite entre une Mort Subite et un Bloody Mary. Au reste, ai-je vraiment le choix ?
L’homme est responsable d’un nombre infini de
dérèglements et de cataclysmes, d’aucun le gibbon.
C’est bien laid, bien gris, bien long, et trop
souvent revenu, le 22 novembre.
Les vies se défaisaient comme des tricots. La laine pouvait resservir. On l’enroulait autour d’un bâton. Layette et trousseau pour une autre existence semblable à venir.
Les amours mortes jonchaient le sol au pied de
l’arbre de la connaissance. Germaient déjà à ses branches des bourgeons de glu.
Tout recommençait sans cesse à l’identique, je vous dis.
On devenait grand-mère beaucoup trop jeune. Il
fallait se déguiser pour y croire. Il y avait des robes faites pour ça, et des
bas épais, et des chaussons noirs.
La ruse abjecte de ce prétendu gérontophile fut bientôt éventée : il ne jetait son dévolu que sur les vieilles retombées en enfance.
Tout roman voudrait nous faire accroire qu’il
ne se passe rien ailleurs, mais seuls les meilleurs y parviennent.
Ma misanthropie se nuance d’autodérision.
Notre relation aux puits avait changé aussi. Ils ne servaient déjà plus. Souvent, ils étaient obstrués par une plaque de tôle ondulée sur quoi pesait une lourde pierre. C’est dire par exemple que la tentation de s’y noyer était restait tenace.
Les couloirs étaient plus longs et prenaient
des virages à angle droit si soudains qu’il surprenaient encore ceux qui avaient
toujours vécu là.
Les cuisines pouvaient être entièrement orange,
ça ne choquait personne. Mais les citrons y détonaient et nous laissions plus
longtemps cuire les œufs au plat.
Elle n’était donc pas celle que j’avais imaginée. Peut-être cependant aurait-elle dû opter pour ma version, plus élaborée, plus subtile, conçue avec passion, persistais-je à penser.
En attendant, je vais fixer une ampoule à cette
épée, se décide Damoclès et va chercher son échelle.
Nous n’aurons vécu que dans les miroirs, au
mieux quelques minutes par jour. Pour le reste, rien n’est sûr, les témoignages
sont trop vagues, trop confus, trop contradictoires. Comment s’y fier ?
Un certain rapport du soleil avec le sable déposé par nos chaussures de plage sur le carrelage à motifs géométriques de la maison de Brétignolles semble s’être modifié depuis mon enfance. Mais je me trompe peut-être.
Quelque chose de l’usure du skaï brun caramel
des banquettes de la micheline rouge et crème qui desservait les communes des
Mauges s’est perdu aussi, je crois, ou bien tout est pareil et ce sont mes
souvenirs qui s’usent.
Et le vendredi soir, sur la ligne
Nantes-Angers, les sacs de linge sale des bidasses en permission constituaient
une compagnie peu discrète quoique silencieuse. Les filets à bagages étaient
faits de fils blancs tressés qui s’effilochaient en aigrettes comme les
pissenlits, ce qui pourrait être oublié certainement sans léser beaucoup la
mémoire du monde. Je préfère le noter, pourtant.
elle envahit seule
mon haïku
la fourmi
tchac
un rat
coincé là
paraît que le poulpe
sait comment faire
pour s’en extraire
se tapit pour mieux jaillir
la panthère
dans mon haïku
civet de lapin
le magicien
mange son chapeau
mon pied
écrase un
esractog
–Blablablablablablablablablablablablalbablablablablablabla.Blablablablabla. Blablablablablablablabla. Blablablabla. Blablablabablablablablablablablablablablablablalbabla.Bblablablablablablablablablablablablablablabablablablablablablablablablablabla, et toi alors ?
– Terre Adélie. Divorce. Cancer. Mais là,
maintenant, je dois y aller.
Motard décapité par une tôle envolée d’un
camion, son casque tout de même lui évite une vilaine bosse.
(Et cette tapette à lucioles, c’est encore de
l’humour noir ?)
Jules Laforgue est l’auteur qui m’est le plus contemporain.
La banane plonge.
Nous n’avons plus qu’à ouvrir la bouche.
La médiocrité
ambiante est la condition de tout succès.
Un beau fronton
de pierre immaculé, un burin bien affûté, un solide maillet. Et puis, voilà,
toujours la même histoire : quoi écrire encore ?
Bien pratique, tout
de même, cette table à rallonges que tu peux retirer à mesure que tes enfants
quittent la maison, que tes parents meurent et que tu te fâches avec tes amis.
Je me lève chaque matin avec un nouvel épi. Mais je ne touche pas à ma brosse : un jour, je serai aussi bien coiffé qu’un champ de blé !
(Au café)
Sourcils froncés, mines préoccupées, soupirs,
crayons mordillés, mains fébriles prenant des notes, carnets et agendas ouverts
sur la table, elles m’intriguent, je tends l’oreille et tout s’explique :
elles mettent au point le déroulé (sic) d’une intervention
intitulée : Habiter poétiquement le monde.
(Yack à faire ceci, pourtant, yack à faire
comme ça – paisiblement paître dans la steppe.)
Vraiment, c’est d'abord toi qui décides si tu coinces
ta serviette dans ton col ou si tu l’étends sur tes cuisses. À son tour alors,
la sauce choisit de maculer ta chemise ou ton pantalon.
Un chauve ventripotent m’est carrément rentré dedans, comme si je n’existais pas ! Faut-il y voir la main des blondinettes qui feraient secrètement campagne afin que leur structurelle incuriosité à mon égard gagne toutes les couches de la population ?
La girafe à la
plus haute fenêtre écarte son rideau réticulé et passe une tête pour contempler
le monde.
Souliers. Chapeau. Mais la boîte ne ferme pas
bien et voici notre bonhomme qui se tire.
Sonne le téléphone de mon voisin de table. J’entends son interlocutrice lui demander si elle le dérange. Non, non, pas du tout, répond le type. Alors moi, si, en revanche, si je puis me permettre, beaucoup, je suis occupé, rappelle plus tard.
Le vent propage le feu, hormis pourtant la
flamme de l’allumette qu’il souffle dès que j’en approche ma cigarette.
Sous le pavé, la plage. Mais laissons
tranquille cette tortue. Elle est là pour pondre.
Rabougri sous sa casquette, le visage dur, il collecte depuis plus de trente ans les tickets du vieux carrousel de Dijon. De nombreux adultes, hantés encore par leurs terreurs enfantines, lorsqu’ils le croisent dans la rue, ont le réflexe de porter la main à leur poche pour sortir leurs papiers.
Que faire d’autre que s’étrangler lorsqu’on
s’écharpe ?
Premier exercice de maîtrise de soi : Ne pas
faire remarquer à ceux qui t'entourent l'arc-en-ciel que tu es le premier à
voir.
Je suis écrivain même quand je n’écris pas. Alors que je ne suis de toute évidence pas un jardinier même quand je jardine.
Moufles et pantoufles, ainsi seulement tu
cesses de faire le singe.
qu’allons-nous chercher sur la plage
sinon ces grains de sable qui grippent nos
rouages ?
[Ouverture aujourd’hui et jusqu’au 4 décembre
de la souscription pour le
nouveau volume
de ce journal, le dix-huitième, intitulé cette année L’Autofictif enneige le
Fuji. Je suis très reconnaissant aux lecteurs qui font ce geste et
soutiennent ainsi l’ouvrier précaire de l’économie du livre et ses vaillants
éditeurs.]
Le mal-être ne fait pas le poète. Mais, pour n’être pas suffisante, la condition n’en est pas moins nécessaire.
Il en aura fallu, des arrosoirs de sperme, pour
faire grandir ce magnifique arbre généalogique.
Toute la rancune de la carotte, arrachée,
écorchée, découpée, hachée, mixée, s'exprime dans une bonne soupe.
Ces quelques parcours sur la Terre que nous empruntons régulièrement – mais selon des temporalités très diverses, liées aux saisons, à nos lieux de résidence – et qui forment une cartographie de notre existence, sillon et sillage, ce paysage éparpillé qui est notre pays bien circonscrit, le chemin sinueux où nous nous coulons, le chemin où tout roule.
Si tu dois les couver pourtant, crois-en plutôt
l'expérience de la merlette, mets tous tes œufs dans le même panier.
Je zappais. Elle
scrollait. Nous nous sommes ratés.
Mais si la rose blanche n'est pas un lys, si la rose jaune n'est pas une jonquille et si la rose rouge n'est pas un coquelicot, la rose rose est-elle une rose ?
Aujourd'hui, je serai moi et, toi, tu seras
toi. Et demain, on change. Égalité parfaite dans le couple de pies.
Nous ne sommes
pas nombreux à savoir repérer, au pied du tronc, le petit bouton qu'il suffit
de presser pour changer n'importe quel sapin – et le cyprès même – en pin
parasol.
Ils se rencontrent par hasard, plus de soixante ans après la fulgurante histoire d'amour qui embrasa leur jeunesse et dont leurs corps voûtés et leurs visages dévastés portent encore aujourd’hui les stigmates.
Je ne peux pourtant renoncer à tout. Ma paresse
aurait trop à faire.
L'égout est le réseau social des rats. Au moins
sont-ils sans hypocrisie.
Rose, le sein. Bleue, la prostate. Telles sont les couleurs de la lutte contre le cancer. À l'heure de mourir, nous réchauffons les stéréotypes refroidis de l'enfance. Pensée magique. Cela nous rendra peut-être aussi nos puérils et inoffensifs organes couleur pastel, frais et dispos...
Une invention
vraiment pas au point, le slip. Il faut en changer tout le temps.
Tu maudis le monde mais, depuis ta place, tu ne
peux vomir que toi-même.
Nuit d'Halloween complètement ratée. Quelle est cette fée sournoise qui a changé en carrosses rutilants nos grimaçantes citrouilles et nos haillons cendreux en toilettes somptueuses ?!
Le triste automne m'arrache des soupirs de souffleur de feuilles.
Il faut tout de même dire à sa décharge qu’Eric-Emmanuel Schmitt, cherchant ses mots, n’a vraiment pas eu de chance de trouver ceux-là.