Maigre comme un balai et non moins hirsute, toujours posté sur les deux marches de cette cordonnerie fermée, il fait la manche comme on fait l’article, avec fougue et conviction. C’est à genoux et les mains jointes qu’il remercie le passant pour sa pièce, lui souhaitant une vie glorieuse sous la protection des anges. Mais celui qui ne lui accorde ni un sou ni un regard est poursuivi par ses malédictions jusqu’au coin de la rue puis encore au-delà du tombeau.
Aussi je lui confie le
soin de me traiter comme je le mérite. Si j’ai quelque raison d’être fier de
moi, je lui achète pour un ou deux euros les compliments que ma modestie
m’interdit de m’adresser à moi-même. Inversement, quand la honte ou l’ennui de
ma personne me submergent, je le snobe et reçois de lui une bordée d’injures
bien senties.
Comme je passe devant sa
cordonnerie au moins deux fois par jour, je me réjouis pour l’état de mes
finances d’avoir si rarement lieu d’être content de moi.