À quel moment cette idée qui m’était venue dans la rue et que je me promettais de noter à la première halte m’a-t-elle quitté ? Où s’est-elle dissoute ? Quelle est désormais sa forme dans l’éther, sa trace ? À moi, il ne reste que la conscience aiguë et douloureuse de son oubli. J’en conclus provisoirement que toutes ces passionnantes questions me feront une note qui se substituera avantageusement peut-être à l’idée perdue. Ce petit calcul de ma cupidité me console un peu, mais la plaie reste vive – et béant, ce trou, dans l’histoire des philosophies.
Puis
voilà que l’idée ressurgit, deux heures plus tard, dans le train, sans raison. Se
présente à mon esprit le mot kalachnikov –
que j’avais écarté pourtant en formulant mentalement ma phrase dans la rue, lui
préférant fusil automatique. Et tout
me revient d’un bloc. C’est donc la note ci-dessous. Valait-elle ce sentiment
de deuil irrémédiable qui m’accablait ? Toujours est-il que ma page du
jour est écrite.
Habitué
à prendre congé sur ce mot, il lance par réflexe un bisou ! au malheureux qu’il fauche d’une rafale de son fusil
automatique.