Profitez bien de vos derniers instants ! lui avait lancé, avec un enthousiasme et un tact que nous qualifierons d’excessifs, l’infirmière qui le raccompagnait à la porte du service d’oncologie, à l’issue d’une séance de chimiothérapie. Il me rapportait la chose en riant, il y a quelques mois, après une lecture à la Maison de la poésie.
Vous
parlez beaucoup de moi en ce moment dans L’Autofictif, me dit-il, la fois
suivante, le visage de plus en plus marqué, la main de plus en plus incertaine
et tremblante, mais souriant toujours, et me faisant remarquer qu’en effet, il
était beaucoup question dans mes publications récentes sur ce blog, et sans
doute encore avec un enthousiasme excessif, de la mort et du temps qui s’épuise.
Claude
P. vient de mourir. Retraité de la presse communiste et de la cigarette, l’œil vif,
le sens de l’anecdote savoureuse et du bon mot, une grande culture peu
ostentatoire. Je ne l’ai jamais vu qu’à l’occasion de rencontres autour de mes
livres. Mais on se plaisait bien. Le vide qu’il laisse, je dois le confesser,
est particulièrement béant dans la mince communauté de mes lecteurs fidèles et
pourrait bien rester irréductible.